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NANNI.

Mais,… monsieur Tyss, ils seront endormis, à minuit passé !

PÉRÉGRINUS.

Eh bien! réveillez-les… Priez-les de se lever, je veux leur parler tout de suite.

NANNI.

Dans un quart d’heure alors ?

PÉRÉGRINUS.

Oui, je monterai.

NANNI.

J’y vais… Mais qu’est-ce que vous voulez donc leur dire?

PÉRÉGRINUS.

Allez, allez toujours, Nanni, vous verrez ! (Elle sort.)


SCENE VIII.
PÉRÉGRINUS, seul.

Elle ne devine pas, c’est singulier ! Ah ! j’aurais dû parler de mariage, et je n’ai pas su placer ce mot-là! Une jeune fille honnête ne comprend pas le mot amour tout seul ! — Il est vrai que je n’ai pas su le placer non plus. — Ah ! vous aviez raison, mon parrain, je ne suis bon à rien ! Je n’ai ni volonté, ni expansion, ni courage !… En aurai-je devant les parens de cette chère Nanni? Aurai-je l’éloquence de la persuader, elle ? Je sens si bien ma médiocrité ! J’en rougis à présent. Son père est un maître dans sa partie, et moi,… je suis riche, et voilà tout ! Ah ! si j’avais fait comme vous, Rossmayer, si j’avais cherché !… Mais avait-il trouvé, lui, ce qui le tourmentait jusqu’à sa dernière heure ?… Ce papier… auquel il attribuait sans doute une grande importance, puisqu’il l’avait si bien caché ?… (Il s’arrête à son établi et regarde le papier.) Je crains de l’examiner ! je tremble d’y trouver le désordre d’un esprit troublé par la vieillesse ou par des chimères!


SCENE IX.
PÉRÉGRINUS, MAX.
MAX, sans chapeau, ébouriffé, exalté.

J’ai trouvé ! oui, j’ai trouvé! Écoute-moi bien, Pérégrinus!

PÉRÉGRINUS, absorbé, sans se retourner.

Ah ! c’est toi, Max? Comment donc es-tu rentré?

MAX.

Parbleu ! j’ai cassé tantôt la porte !

PÉRÉGRINUS.

Tiens, c’est vrai !

MAX.

Voyons, tu m’écoutes ?