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du compositeur et le portent à chercher des effets violens. Quoi qu’il en soit, le sujet de la Fausse Magie est après tout supportable, et la partition que Grétry a composée sur une fable qui fait sourire nos beaux esprits renferme des morceaux remarquables et presque de génie. Je ne citerai pas le duo des deux vieillards, — quoi! c’est vous qu’elle préfère ? — il est trop connu et on l’a trop imité sans le faire oublier; mais l’air de Lucette, — je ne le dis qu’à vous, — mais celui que chante Dolin, — si je croyais aux présages, — mais le duo des deux amans :

Vous souvient-il de cette fête
Où l’on voulait nous voir danser?


mais le trio et le quatuor qui termine le premier acte, ne sont-ce pas des morceaux de maître frappés au coin du génie de la vérité? La marche et le chœur qui accompagne l’entrée de la fausse magicienne sont des inspirations d’un ordre assez élevé.

Contrairement à ce que dit M. Fétis de la partition de la Fausse Magie, qu’il juge trop sévèrement, je suis presque de l’avis de Grétry, qui s’est exprimé de la manière suivante sur l’ouvrage qui nous occupe : « Le premier acte de la Fausse Magie est peut-être ce qu’il y a de plus estimable dans mes ouvrages. En n’écoutant que le chant de cet acte, on est tenté de le mettre au rang des compositions faciles; mais le travail des accompagnemens, les routes harmoniques qu’ils parcourent, arrêtent le jugement trop précipité, et l’on sent enfin que le caractère distinctif de cette production vient d’un certain équilibre entre la mélodie et l’harmonie. » Grétry a raison. Les accompagnemens de la plupart des morceaux de la Fausse Magie se distinguent par des dessins très variés et par des incidens de modulation qu’on est surpris de trouver dans un ouvrage de cet homme de génie, dont l’instinct était supérieur à l’éducation. L’exécution de la Fausse Magie, dont on a supprimé quelques morceaux et retouché un peu l’instrumentation, est suffisante par le temps qui court. Mlle Girard a joué et chanté le rôle de Lucette avec un talent incontestable, mais en forçant sa voix, qui est charmante, et en enflant son style plus qu’il ne convient à son aimable nature. Qu’elle y prenne bien garde : Mlle Girard pourrait gâter les qualités précieuses qui ont fait son succès, si elle oubliait qu’elle n’est pas faite pour devenir une cantatrice de bravoure, mais une charmante comédienne d’opéra-comique, une dugazon, nec plus ultrà. — Le nouveau ténor qui a débuté dans le rôle de l’un des vieillards, M. Carrier, n’est pas une merveille; il n’a été aussi que suffisant, et sa voix sans éclat a grand besoin d’être mieux dirigée pour produire son effet. A tout prendre, la Fausse Magie est un spectacle agréable.

A l’Opéra, où les projets de réforme et d’avenir ne manquent pas, on a donné, le 6 juillet, un petit ballet en un acte, Diavolina, pour faire ressortir les grâces un peu sauvages de Mlle Mouravief. Ce ballet, qui est de M. Saint-Léon et dont la musique est arrangée par M. Pugni, n’a produit qu’un effet