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l’abbé Baini, s’il pouvait voir quelle figure on a prêtée au grand maître dont il écrit la vie. La rencontre de Mozart et de Beethoven manque de vérité, et il n’y avait que la composition ingénieuse de M. Français qui donnât une idée de la douce alliance de la peinture, de la poésie et de la musique.

Les théâtres de musique ne font pas grand bruit en ce moment, et leur principal souci est de traverser la saison où nous sommes sans trop de danger. A l’Opéra-Comique, on a donné le 17 juillet un petit acte, les Bourguignons, qui ne fera pas parler de lui bien longtemps. Il s’agit d’un mari maussade, Landry, qui néglige sa femme, une honnête personne qui ne s’occupe que de son ménage, pour faire des yeux doux à une jolie nièce qu’il a recueillie dans sa maison. On pense bien que Thérèse, la femme de Landry, n’est pas contente, et sa tristesse, qui est visible, frappe la nièce Manette. Celle-ci conseille à sa parente d’être moins modeste, moins soumise, moins assidue à son ménage, et d’exciter par cet innocent manège la jalousie du mari. La conspiration des deux femmes réussit. Landry reconnaît ses torts, se réconcilie avec sa femme, dont il avait méconnu l’affection et les bonnes qualités, et congédie sa nièce Manette, qui se félicite d’avoir rétabli la paix dans la maison de son oncle. Ce petit acte, où il y a parfois de l’esprit et qui n’est pas plus mauvais qu’un autre, est de M. Henri Meilhac, et la musique de M. Deffès, qui a déjà produit, avec le même collaborateur, une opérette au Théâtre-Lyrique, le Café du roi Louis XV. M. Deffès est un compositeur qui ne s’en fait pas accroire, car il prend son bien partout où il le trouve. Sa musique agréable, facile, accorte, ressemble un peu à tout ce qu’on fait dans ce genre. Que pouvons-nous citer de cette petite partition qui ne soit pas puisé à la source des lieux communs? Les couplets que chante Manette à table, un trio syllabique qui rappelle tant de morceaux semblables, d’autres couplets que chante encore Manette dans un duo avec Landry, tout cela est agréablement tourné, mais nullement original. Ce qu’il y a eu de plus piquant dans les Bourguignonnes, c’est l’apparition de Mlle Girard, qui a quitté le Théâtre-Lyrique pour d’autres amours. On l’a fort applaudie, surtout dans les couplets qu’elle chante à table. Il n’est pas sûr que Mlle Girard, qui est une artiste fort distinguée, ait eu raison de quitter le théâtre de la place du Châtelet, où elle occupait un rang que personne ne lui contestait.

On donnait ce même soir à l’Opéra-Comique la reprise d’un vieil ouvrage de Grétry, la Fausse Magie, qui remonte à l’année 1775, et qu’on n’avait pas revu, je pense, depuis 1828. On sait que le poème de la Fausse Magie est de Marmontel, qui en a fait bien d’autres, sans parler de ses Contes moraux. Avouerai-je ma faiblesse? Je suis assez indulgent pour ces vieux canevas de l’ancien théâtre qui ont inspiré des musiciens comme Gluck et Grétry, et je préfère l’amusante bêtise de Cosi fan tutte avec la musique de Mozart aux pièces intriguées de notre temps, qui excitent l’ambition