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REVUE MUSICALE.


Parmi les curiosités qu’on a pu remarquer à la dernière exposition de peinture, il y avait plusieurs tableaux et gravures qui touchaient à la musique d’une manière plus ou moins directe. L’écrivain qui s’est occupé ici du Salon de 1863. M, Maxime Du Camp, a déjà signalé une ingénieuse composition de M. Français, c’est-à-dire un paysage d’une couleur antique où planait l’ombre désolée d’Orphée. Je voudrais à mon tour dire mon avis sur d’autres tableaux et gravures où l’on a essayé de rendre la physionomie de plusieurs grands musiciens, tels que Palestrina, Mozart et Beethoven. Il y a longtemps que les arts se tiennent par la main, et qu’ils forment dans l’histoire de la civilisation une sainte alliance.

Quoi de plus vrai et de plus charmant que les neuf muses, par lesquelles l’imagination des Grecs a exprimé cette union primordiale des différentes facultés de l’esprit? Entre la poésie et la musique surtout, la parenté est si étroite qu’elles naissent en même temps dans l’esprit humain comme deux sœurs jumelles, et elles ne se séparent qu’à l’avènement du rhythme musical, qui brise le joug de la métrique pour vivre de sa propre vie. On peut affirmer que l’antiquité grecque et romaine n’a guère connu la puissance du rhythme musical, et qu’elle n’a vu dans cet art qu’un esclave de la poésie. Qui ne sait que dans les monumens de l’Egypte, de l’Asie-Mineure, de la Grèce et de la Sicile, on a trouvé la représentation d’un grand nombre d’instrumens de musique, tels que la lyre et la cithare de diverses dimensions, la trompette, la flûte simple, la flûte double, et autres agens de la sonorité? La flûte surtout était un instrument très recherché des Grecs, et ceux qui en jouaient avec habileté étaient fort considérés. On cite un flûtiste célèbre nommé Craton, dont le portrait en pied fut exposé dans le temple de Bacchus. On ignore si, dans les peintures informes des catacombes, il y a eu quelques traces de symboles sur la musique, mais on en trouve beaucoup dans les peintures hiératiques de l’époque byzantine et dans les premiers monumens dits gothiques. Les églises des XIIIe et XIVe siècles, les manuscrits et les imagiers du moyen âge, sont remplis de traits, de figures et de statues de musiciens jouant de toute sorte d’instrumens inconnus des anciens, et lesquels, par des transformations successives, sont devenus les instrumens modernes. A la première renaissance des arts du dessin, alors que les Cimabuë, les Giotto et leurs successeurs commencèrent à se préoccuper de saisir la nature et de rendre la vision des objets aussi fidèle que possible, la musique et ses attributs furent introduits dans un grand nombre de compositions pittoresques du plus haut intérêt. Il existe des bas-reliefs, et surtout une quantité infinie de gravures, qui représentent des cérémonies et des scènes de la vie élégante où l’on voit des hommes et des femmes chanter en s’accompagnant