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ne la voyait pas sans sympathie, elle en attendait des incidens favorables à ses propres aspirations de libéralisme et de progrès intérieur. Les puissances, en intervenant, ont changé la nature du débat; elles ont intéressé à la question l’amour-propre national des Russes; elles ont permis à la cour de Pétersbourg de faire appel aux passions populaires. Dans ce mouvement d’irritation, on a vu reparaître ces personnages du vieux parti russe, ces terroristes de la tyrannie de Nicolas, les Berg, les Mouravief, les Lechte, dont on croyait l’influence pour toujours abolie. Quand le gouvernement russe était seul à travailler à la dénationalisation de la Pologne, il échouait dans un travail impossible; mais une fois les passions russes mises en branle, une fois la dénationalisation de la Pologne transformée en œuvre de patriotisme, une fois le torrent moscovite déchaîné sur les propriétés polonaises confisquées, la condition de la Pologne deviendrait bien plus grave. Les puissances doivent des compensations promptes aux Polonais pour les aggravations que leur situation a subies par l’effet de l’action diplomatique. Pour le moment, ils n’en réclament pas d’autre que d’être reconnus comme belligérans. En leur reconnaissant les droits de belligérans, les puissances ne feraient que sanctionner un fait consacré par une durée de six mois. Une résolution semblable les laisserait en paix avec la Russie, mais elle donnerait à la Pologne un secours efficace; elle lui permettrait d’accroître et de régulariser ses ressources financières et militaires; elle la mettrait en état assurément de soutenir longtemps la lutte, et peut-être de ne devoir son indépendance qu’à l’héroïsme de ses citoyens.

Quel contraste entre l’ardente fermentation de la crise polonaise et le calme profond dont jouit maintenant cette Italie qui nous a donné tant d’émotions jusqu’à la fin de l’année dernière! Si nous avons rarement parlé de l’Italie dans ces derniers temps, ce n’est pas que nous n’ayons suivi avec intérêt la vie parlementaire du nouveau royaume depuis plusieurs mois. Cette année a été bien employée par les Italiens. Ils n’ont pas seulement rétabli parmi eux l’ordre matériel; on peut dire que l’ordre en Italie règne aussi dans les esprits. On est parvenu à ce résultat depuis la constitution du ministère actuel, qui date à peine de huit mois, sans que le gouvernement ait recouru à aucune mesure exceptionnelle, avec un large usage des libertés politiques, avec un parlement sans cesse ouvert. Le travail parlementaire a été actif et fécond. D’importantes lois de finance sous l’intelligente impulsion de M. Minghetti ont été élaborées. Le premier budget normal du nouveau royaume a été voté. Ce n’était point une entreprise facile que de constituer par l’établissement de nouveaux impôts les ressources financières permanentes de l’Italie. Il était impossible de combiner cette foule de lois administratives et financières qui assurent l’avenir de l’Italie sans froisser les habitudes ou les intérêts apparens de telle ou telle province, surtout des provinces méridionales. Les diverses provinces ont cependant fourni constamment à la majorité une égale proportion de leurs députés. Si le ministère n’a point agité les questions de politique