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ques jours de pluie, et les brises marines, qui ont cependant à franchir près de quatre cents milles, viennent y tempérer l’ardeur du soleil. Les rues y sont toujours propres et sèches, même au plus fort de la saison des orages; l’ordre y règne, les provisions n’y manquent pas; cependant, à l’exception de la viande, elles sont d’un prix élevé. Tant d’avantages par malheur sont chèrement payés, car la lèpre sévit dans ce lieu charmant. Ajoutons qu’elle est limitée à certaines familles, et qu’il est rare qu’elle ait été communiquée à un Européen. Quant aux autres races, elles en sont toutes frappées indifféremment, et quelques-unes des meilleures familles de l’endroit sont les plus rudement atteintes. Aussi connaît-on Santarem non-seulement au Brésil, mais en Portugal, sous la fatale désignation de cidade des lazaros cité des lépreux.

Les campos qui l’entourent abondent en arbres aromatiques et en fruitiers sauvages. Le cachou y pousse de tous côtés, au point que quelques portions du district pourraient passer pour des vergers de cet arbre, à qui semblent convenir particulièrement les terrains sablonneux. Son fruit, parfaitement mûr, a la couleur et la forme de la pomme que les Anglais appellent codlin apple. Il mûrit en janvier, et on voit alors les lazzaroni de Santarem, parcourant les campos recueillir le fruit du cachou par immenses quantités pour en faire une sorte de cidre, — ou de vin, comme ils l’appellent, — regardé comme un remède dans certaines maladies cutanées ; les pépins se mangent rôtis. Un autre arbre de la même catégorie, le murixi (byrsomina), fournit en abondance de petites graines jaunes d’un goût acide. Une décoction d’écorce de murixi teint les étoffes en couleur marron. Les Indiens surtout l’emploient à cet usage, et les chemises de coton ainsi colorées étaient le signe de reconnaissance du parti indigène pendant la dernière révolution. Parlons encore du braio-branco, très commun dans les ilhasdo Mato, dont l’écorce intérieure sécrète une résine blanche qui ressemble au camphre et par l’aspect et par l’odeur. M. Bates, qui s’était procuré une certaine quantité de cette résine, s’en servait pour protéger ses collections d’insectes contre les attaques des fourmis et des blates. L’umiri (humirium floribundum), plus rare que le braio-branco et croissant dans les mêmes endroits, distille d’une manière analogue une huile du parfum le plus exquis, que les femmes indigènes recherchent avec passion. Toutefois le rendement est fort médiocre. Pour obtenir ce précieux liquide, on détache, sans les arracher, de longues bandes d’écorce, sous lesquelles on glisse des morceaux de cotonnade qui s’imbibent peu à peu. En visitant l’arbre tous les jours et en pressant l’huile absorbée par le coton, il arrive qu’au bout d’un mois on a pu remplir une petite fiole contenant à peu