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parées, errant de place en place, sur la marge des rivières et des lacs, où le poisson et les tortues se montrent particulièrement abondans. A chacune de leurs stations, ils élèvent au bord de l’eau quelques huttes provisoires, qu’ils portent tour à tour plus haut ou plus bas, suivant que le courant monte ou descend. Leurs canots étaient originairement très rudimentaires; ils les construisaient avec l’écorce épaisse de certains arbres, à laquelle ils donnaient une forme demi-cylindrique en se servant pour cela de flancs ligneuses. On rencontre aujourd’hui fort peu de ces embarcations primitives, la plupart des familles nuiras possédant des montarias, espèces de petites nacelles que ces Indiens parviennent à dérober de temps en temps aux colons. Ils se nourrissent principalement de poissons et de tortues qu’ils prennent avec une habileté remarquable. On affirme qu’ils plongent après les tortues et parviennent à les saisir par les pattes. Ils tuent les poissons à coups de flèche, et n’ont aucune autre méthode pour le préparer que de le faire rôtir sur des charbons ardens. Il n’est pas tout à fait démontré que la race entière des Múras n’ait jamais pratiqué l’agriculture, car on trouve çà et là quelques familles fort éloignées des lieux où elles eussent pu récemment apprendre à cultiver la terre, et qui néanmoins plantent du manioc; cependant la seule nourriture végétale dont ils fassent un usage général se compose de bananes et de fruits sauvages. Il paraît que dès le début ils se montrèrent hostiles aux colons européens, pillant leurs sitios, dérobant leurs canots et massacrant tous ceux qui tombaient en leur pouvoir. Les Portugais, il y a quelque cinquante ans, réussirent à tourner contre eux les dispositions belliqueuses des Mundurúcus, et ces derniers, par une persécution qui dura plusieurs années, affaiblirent considérablement la puissance de la tribu ennemie, qu’ils chassèrent des bords de la Madeïra. Les Múras sont maintenant dispersés sur une vaste étendue de pays, c’est-à-dire sur les bords de la rivière des Amazones, entre Villanova et Catua; la zone qu’ils occupent est longue de huit cents milles. Depuis les désordres de 1835-36, où ils commirent de grands ravages dans les pacifiques établissemens fondés entre Santarem et le Rio-Negro, depuis le massacre qu’en firent les Mundurúcus alliés aux Brésiliens, ils n’ont plus donné de sérieuses inquiétudes. Voici d’ailleurs le tableau que M. Bates a tracé d’un de leurs villages appelé Matari et situé près de Serpa[1] :


« Il y avait là une vingtaine de huttes d’argile fort légèrement bâties et qui, nonobstant la luxuriante beauté de la forêt à laquelle elles sont ados-

  1. Serpa est une petite ville située entre la rivière Urubú et le lac Saraca, presque en face du point où la rivière Madeira se jette dans le fleuve des Amazones.