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fonds, et doivent souffrir tôt ou tard lorsque le sous-sol ne se laisse pas traverser. Le fait est que les dunes, qui offrent aux racines une profondeur de sable de plusieurs dizaines de mètres, sont couvertes de pins incomparablement plus beaux que ceux des landes et rapportent, année moyenne, un intérêt presque double. De même le mélèze, cet arbre si précieux, qu’on a semé par centaines de millions en Irlande et en l’Ecosse, languit sur le sol des landes, tandis qu’il se développe avec vigueur sur le sable des dunes, où il peut darder librement sa longue racine pivotante. Les arbres auxquels le plateau landais est le plus approprié sont évidemment ceux dont les racines rampent parallèlement à la surface du sol. Tels sont l’acacia, le mûrier, tel est aussi l’allante, qui sera peut-être un jour une source de richesses pour ce pays, jadis si déshérité. Le terrain lui convient admirablement, et l’on a tout lieu de croire que le climat doux de la contrée sera favorable à l’élève des vers à soie qui se nourrissent des feuilles de cet arbre.

Pour se faire une idée de la puissance de production que peut avoir le sol des landes lorsqu’il est bien dirigé, il faut aller visiter le domaine de Geneste, situé à 15 kilomètres au nord de Bordeaux, sur la route de Lesparre. Achetée il y a quarante-deux ans pour un prix qui serait aujourd’hui considéré comme purement nominal, cette étendue de 300 hectares ne produisait que des genêts, des ajoncs et des bruyères : actuellement elle est sans aucun doute le plus beau jardin d’acclimatation qui existe en Europe. La propriété, qu’assainissent des fossés d’écoulement, est divisée en carrés de 10 ares au moyen de larges chemins dont la terre végétale a été reportée sur les plates-bandes. Ainsi exhaussé de plus d’un demi-pied, le sol, doublé pour ainsi dire, offre une épaisseur moyenne de 70 centimètres, et donne une vigueur extraordinaire aux plantes qu’on lui confie. Les pépinières renferment en abondance des pins et des chênes d’espèces diverses adaptées au sol et au climat des landes. A côté des pins maritimes ordinaires s’élèvent des milliers de pins de Riga, droits comme des mâts de navire, et destinés à fournir d’excellent bois de charpente ; puis viennent des pins de Corte, pins hâtifs que les pins des landes et fournissant une résine d’aussi bonne qualité; ailleurs ce sont des pins de Weymouth, des mélèzes, et toute la série des chênes de l’Amérique du Nord, depuis le tinctoria, aux feuilles longues d’un pied, jusqu’au palustris, dont le bois émousse la hache. Dans le parc de plaisance, on se promène sous l’ombrage d’arbres exotiques d’une admirable venue. Cèdres du Liban, araucarias, tulipiers, magnolias, séquoias de la Californie, se développent avec une rapidité inconnue dans presque tous les autres jardins de France. Les liquidambars, hauts de 30 mètres, ont le tronc aussi droit et aussi pur que s’il eût été coulé dans un