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les époques successives pendant lesquelles le fleuve se creusa ces deux lits abandonnés aujourd’hui. Si la croissance des forêts n’avait pas prévenu les envahissemens des sables aussitôt après le retrait des eaux fluviales, des rangées de dunes poussées par le vent n’auraient pas manqué de s’élever et d’oblitérer complètement les anciens cours du fleuve : cependant il existe à peine en cet endroit quelques petits bourrelets de sable de formation récente et de 10 à 12 mètres d’élévation. Ainsi l’on peut admettre sans crainte que nos premiers ancêtres avaient su dresser une barrière aux empiétemens de la mer et des dunes. Après la destruction de leur œuvre, tout le plateau des landes était destiné à devenir la proie de l’Océan, si de nouveau le génie de l’homme n’avait consolidé les dunes mobiles et ne les avait transformées en boulevards de défense.


III.

Dans les temps modernes, les premières tentatives faites pour la fixation des dunes de Gascogne datent du commencement du XVIIIe siècle. M. de Ruhat, acquéreur de l’ancien captalat de Buch, ensemença de pins quelques collines de La Teste ; mais, quoique les semis eussent réussi parfaitement, l’œuvre ne fut pas continuée, et partout ailleurs les inertes landais laissèrent les dunes marcher à l’assaut de leurs villages. Plus tard les frères Desbiey[1] et l’ingénieur Villers proposèrent à diverses reprises la fixation de toute la zone des sables : leur voix ne fut point entendue. Ce fut au célèbre Brémontier qu’échut l’honneur de faire adopter et de mettre en pratique un plan d’ensemble pour la culture des dunes. S’inspirant des écrits et de l’exemple de ses devanciers, ne dédaignant pas d’interroger les pâtres qui connaissaient par tradition les moyens d’arrêter les sables, Brémontier se mit pour la première fois à l’œuvre en 1787. Interrompus en 1789, puis repris en 1791, les travaux furent complètement abandonnés en 1793, par suite de l’opposition qu’avaient suscitée plusieurs habitans de La Teste ; mais déjà on pouvait constater d’importans résultats. Plus de 250 hectares de sables mouvans avaient été fixés dans les environs d’Arcachon ; des pins, des chênes, des plants de vigne étaient en parfaite croissance, et l’ensemencement d’un hectare n’avait pas coûté plus de 200 fr.[2].

  1. L’un d’eux remporta un prix que M. Élie de Beaumont, avocat au parlement de Paris, avait fondé en 1773 pour l’auteur du projet le plus acceptable sur la fixation des dunes.
  2. Dans les dunes plus éloignées des grandes routes, le semis d’un hectare de sable revenait à 450 francs. Maintenant les frais se sont abaissés ; ils ne sont plus que de 140 à 150 francs.