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que se dressent peu à peu toutes ces rangées de collines mouvantes que séparent d’étroites et longues vallées appelées lèdes ou lettes par les paysans des landes. La dune la plus rapprochée de la mer et par conséquent la plus récente est moins élevée que le monticule plus ancien situé immédiatement au-delà ; de même celui-ci atteint une hauteur moins considérable que la colline suivante. Chaque rangée qui se développe plus avant dans l’intérieur des terres dépasse les précédentes en élévation et forme comme un nouveau degré sur la pente de la grande dune primitive qui sert d’avant-garde à toute l’armée des sables. Toutefois il existe des exceptions à cette règle. C’est ainsi qu’au sud du bassin d’Arcachon la haute rangée de Lascours, dont le dôme culminant s’élève à 89 mètres, est située au milieu et non point à l’est de la zone des dunes. On serait tenté d’admettre qu’après être arrivées à cette grande hauteur, les nappes inférieures du vent d’ouest, comprimées par les masses d’air surincombantes, n’ont plus la force d’impulsion nécessaire pour élever encore les molécules de sable, et sont obligées de redescendre vers les plaines de l’intérieur en écrêtant les collines précédemment formées.

Avant que les dunes eussent été fixées par des semis de pins, les étangs qui en baignaient la base orientale voyageaient comme elles et se déplaçaient incessamment de l’ouest à l’est. Sans doute plusieurs de ces nappes d’eau douce étaient, il y a des milliers d’années, des baies mannes qui découpaient le rivage aujourd’hui si uniforme des landes. D’abord séparées de l’Océan par un mince cordon de sable, comme il s’en forme souvent sur les plages basses, ces baies changées en étangs ont été peu à peu repoussées vers l’intérieur des terres par les sillons parallèles des dunes. Sous l’énorme pression des sables, elles ont gravi, pour ainsi dire, la pente du continent. En même temps les pluies et les ruisseaux, arrêtés dans leur cours, apportaient incessamment leur tribut d’eau douce aux nouveaux lacs, tandis que l’eau salée s’enfuyait à mesure par les déversoirs naturels ménagés entre les monticules. Ainsi les grains de sable que le vent pousse devant lui ont suffi, pendant le cours des siècles, à changer des golfes d’eau salée en étangs d’eau douce et à les porter dans l’intérieur du continent à une hauteur considérable au-dessus de l’Atlantique. La surface de l’étang d’Hourtin est de 12 à 13 mètres plus élevée que celle de l’Océan ; sa profondeur est également de 12 à 13 mètres, c’est-à-dire qu’elle atteint exactement le niveau des mers moyennes.

Les deux grands étangs des landes du Médoc portent les noms des villages construits près de leur rive orientale. La superficie en est très considérable. Celui du nord, connu sous la désignation d’étang de Carcans et d’Hourtin, est une nappe d’eau de forme ovale