Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 46.djvu/688

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gées de buttes sablonneuses qui plus tard doivent se dresser en véritables collines commencent à se profiler sur le sol.

Dès qu’elle est formée, la petite dune ne peut que grandir. Les vents d’ouest, qui règnent pendant presque toute l’année dans cette région de la France, apportent toujours de nouveaux sables; ceux-ci gravissent le plan incliné offert par la face antérieure du monticule, puis, arrivés au sommet, glissent sur l’autre versant et forment un talus d’éboulement de plus en plus considérable. A chaque nouvel apport, la crête de la dune s’exhausse, la base s’élargit et gagne d’autant sur les terres de l’intérieur; les sables marchent à la conquête du continent. Les jours les plus favorables à l’observation de la marche progressive des dunes sont ceux pendant lesquels une douce brise, assez forte toutefois pour pousser le sable devant elle, souffle d’une manière parfaitement uniforme. Du haut de la dune, on voit les innombrables grains de poussière accourir en escaladant la pente; scintillant au soleil et tourbillonnant comme des moucherons par un soir d’été, ils atteignent la cime, puis ils s’accumulent en forme de corniches sur le revers de l’arête, et de temps en temps déterminent de petits éboulemens qui s’épandent sur la surface du talus comme des nappes d’eau sur le flanc d’un rocher. Lorsqu’un vent de tempête souffle avec violence et par rafales successives, les empiétemens de la dune s’accomplissent d’une manière beaucoup plus rapide, mais souvent plus difficile à observer. Les cimes des monticules, qu’enveloppent des tourbillons de poussière, ressemblent à des volcans vomissant la fumée; la face antérieure de la dune est labourée, ravinée par le vent ; des masses de sable chargées de débris marins apportés par la tempête s’écroulent à grand bruit et se disposent en couches inégales sur le talus d’éboulement. Une tranchée pratiquée dans l’épaisseur de la dune permettrait de compter et de mesurer les strates d’épaisseur et de nature différentes que les vents ont successivement apportées. Telle douce brise n’a déposé que le sable fin comme la poussière, tel vent plus fort était chargé d’un lourd sable coquillier, tel vent d’orage a charrié des coquillages entiers, des branches et des épaves.

Si le plan incliné que la dune tourne du côté de la mer restait parfaitement uni, la zone du rivage n’offrirait dans toute sa largeur qu’un seul rempart de sable empiétant graduellement sur l’intérieur des terres; mais à la longue la pente de chaque dune ne peut manquer d’offrir quelques saillies causées par des corps étrangers ou par des plantes qui prennent leur naissance dans le sable. Toutes les saillies assez fortes pour résister au vent servent de points d’appui à de nouvelles dunes, entées, pour ainsi dire, sur le flanc de l’ancienne. Ces nouvelles dunes elles-mêmes se hérissent d’aspérités que recouvrent bientôt d’autres monticules de sable, et c’est ainsi