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de lui et de toi et de te révéler tout ce qu’ont pensé sur la religion et sur les choses divines les prêtres égyptiens et assyriens. » Et il lui écrivait encore : « Du suc de toutes les fleurs que nous avons cueillies pour toi dans les jardins de l’Académie, abeille industrieuse, compose un miel céleste. »

Mais que servent les paroles ? Bramante et Raphaël se sont chargés de manifester la piété de la renaissance par des témoignages plus éloquens que tous les discours. Vous qui voulez savoir ce que la renaissance pensa de Dieu, allez au Vatican dans la salle de la Signature ; méditez ces fresques, dans lesquelles est résumée toute la sagesse d’un siècle ; pénétrez-vous de la pensée de paix et d’amour qui inspira cet incomparable poème, dont l’harmonie égale la grandeur. Ces murailles parlent ; quel concert ! La théologie, la philosophie, la poésie, la jurisprudence, unissent leurs accens ; la voix de Zoroastre et de Platon se marie aux cantiques des anges ; la lyre d’Homère alterne avec celle du roi-prophète ; Apollon chante, et le Père, le Fils et le Saint-Esprit lui répondent. Sainte conspiration ourdie par la renaissance ! Qu’êtes-vous devenus, anathèmes et tristesses de l’antique ascétisme ? Voici : « Ils allaient et pleuraient en répandant des semences ; ils sont revenus pleins de joie, portant des gerbes dans leurs mains. » ….. Voyageur qui veux t’instruire, en sortant du Vatican, entre à Saint-Pierre. Le témoignage de Bramante te confirmera celui de Raphaël, et tu ne contempleras pas longtemps ces voûtes sublimes sans reconnaître que le Dieu qui règne dans cette immensité, et qui seul peut la remplir, n’est pas uniquement le Dieu des hommes, mais qu’il est encore, pour parler avec David, le Dieu des dieux.


III. — LA RENAISSANCE RÉPUDIÉE PAR l’ÉGLISE.

Au sommet d’une colline avait crû un chêne immense ; sous son écorce rugueuse et durcie par les siècles courait une sève abondante, épaisse, incessamment rajeunie ; ses racines s’enfonçaient dans les profondeurs de la terre ; rien ne pouvait arrêter l’effort de ses bras nerveux qui s’allongeaient et se multipliaient de toutes parts ; il élevait jusqu’au ciel l’orgueil de son front. Des légions d’oiseaux accouraient s’abriter parmi ses feuillages et y bâtissaient leurs nids. Aux heures brûlantes du jour, tous les bergers venaient en compagnie de leurs troupeaux se mettre à couvert sous ses branches ; ils bénissaient cette ombre hospitalière, et une fraîcheur délicieuse entrait dans leurs yeux et dans leurs cœurs… Un jour un homme d’un esprit dur vint à passer en ce lieu, et comme les oiseaux et les bergers lui criaient : « Arrêtez-vous ici, mettez-vous à l’abri ! » il