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que les deux cavaliers mystérieux qui annoncèrent la défaite de Persée étaient des envoyés de Dieu ; il admet que les bons démons ont toujours servi d’ambassadeurs entre le ciel et la terre, que Minos a réellement reçu ses lois de Jupiter, Lycurgue d’Apollon, Numa d’Egérie, et il tient pour certain que les mythologies sont des symboles profonds.

Laissons railler ou s’indigner à leur aise ces esprits moroses qui font un crime à la renaissance d’avoir osé représenter sur des murailles consacrées les images des Grâces, de Mercure et d’Apollon. Ils oublient que, par l’interprétation qu’elle donnait de leurs légendes, elle avait pour ainsi dire converti tous les dieux au christianisme. Qu’il était touchant d’ouvrir ainsi les portes du temple aux précurseurs du Christ et d’abriter ces néophytes augustes sous les ailes du Dieu vivant qu’ils avaient annoncé par des mensonges pleins de vérité ! La foi de ce siècle n’était pas cette foi inquiète et peureuse qui craint que son Dieu ne lui échappe, si elle ne le met en séquestre ; ce n’était pas non plus cette dévotion ombrageuse qui, semblable à une maîtresse chagrine et jalouse, exige que celui qu’elle adore n’ait des yeux que pour elle. Aussi ne craignaient-ils point, ces grands esprits, de comparer les extases de Socrate et de Plotin aux ravissemens de saint Paul, Diotime à sainte Elisabeth, les sibylles aux prophètes, Zoroastre à Moïse, Orphée à David, Hermès Trismégiste à saint Jean le précurseur, car ils avaient reconnu que, dès les commencemens du monde, il s’est fait dans la conscience humaine comme un travail d’enfantement, comme une sourde végétation de Dieu, jusqu’au jour où il plut à la vérité sainte de se déclarer tout entière dans la personne du désiré des nations et de remplacer par la pure lumière les pressentimens et les énigmes… Que signifient les mots, si ce n’est là le catholicisme éternel, la véritable église universelle qui est arrivée à se connaître, qui a renversé toutes les barrières par lesquelles elle donnait des bornes à sa propre grandeur, et qui voit d’un œil rayonnant de joie sa tradition perpétuelle se dérouler sans fin dans l’espace et dans le temps ?

Et cette véritable église catholique. Dieu voulut qu’elle prît un jour possession du trône des souverains pontifes, et il choisit à cet effet ce Jean de Médicis qui, dès son enfance, avait sucé dans la maison paternelle le lait de la nouvelle doctrine, ce Jean qui avait crû en grâce et en sagesse à l’école des Pic et des Politien, et à qui Ficin écrivait, en lui adressant un ouvrage d’un philosophe païen : « Désirant te féliciter d’avoir été nommé cardinal, je n’ai pas trouvé de meilleur messager que ce Jamblique que nous appelons divin et que nous traitons de pontife… Écoute attentivement ce que te dira cet homme divin. Il nous a promis de te parler un langage digne