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de Dieu, et que c’est par lui qu’on va à Christ. À son exemple, Pic démontra la concordance du platonisme avec les révélations juive et chrétienne, et tour à tour, interprétant le récit mosaïque de la création, il retrouvait dans la Genèse les dogmes de la philosophie ou il découvrait dans Platon les rudimens de la théologie chrétienne et l’explication des saints mystères… « Ah ! que vous êtes heureux, écrivait Landino à Robert Salviati, d’avoir joui de l’intimité de ce grand homme !… Grâce à lui, vous avez vécu dans la familiarité d’Aristote et de Platon, et il vous les a fait étudier de telle sorte, que vous avez appris à reconnaître en eux, outre l’antique doctrine de l’Académie et du Lycée, des lueurs de la sagesse des Paul, des Jean, des Denis, des Augustin, des Jérôme et des Thomas. »

Et ce n’est pas seulement les philosophies que la renaissance réconcilie avec le Christ, ses miséricordes s’étendent à toutes les antiques religions. Comme les sages, les dieux des gentils ont annoncé le vrai Dieu, dont ils furent une imparfaite et grossière ébauche ; comme les doctrines des Aristote et des Platon, les vieilles théologies furent des manuscrits incorrects et incomplets de l’Évangile. Les prétendues idoles sont des divinités voilées, toutes les fables des mythologies sont des allégories et des symboles. Les platoniciens florentins déchiffrèrent avec ardeur ces mythes qui avaient servi à mettre la vérité à la portée du monde encore enfant, et qui, déguisant des pensées profondes sous des fictions enjouées, prêtaient à la sagesse un faux air de folie. C’est à cette école que s’était formé le Tasse ; pas plus que ses maîtres, il ne crut déplaire au Christ en se liant d’amitié avec les dieux de la fable. Il vit en eux les génies des sphères célestes qui sont chargés par le Créateur de verser sur les hommes leurs influences bienfaisantes : de Saturne procède la puissance contemplative, de Jupiter les vertus royales et le don du commandement, de Mars les qualités qui font les héros, du Soleil les clartés prophétiques et le souffle qui fait les poètes, de Mercure l’éloquence, de Vénus les douceurs et les sublimes dévouemens de l’amour. Ailleurs il considère les olympiens comme des hommes inspirés qui ont répandu parmi les nations encore barbares les bienfaits de la civilisation, qui leur ont ouvert l’esprit à de hautes pensées et à qui Dieu permit de se faire adorer, afin que le ciel ne demeurât pas vide jusqu’à la venue du Christ. Le Tasse croit que dans tous les temps la puissance divine s’est révélée à ses créatures par des effets surnaturels ; il traite d’insensés ceux qui mettent en doute la réalité des prodiges dont sont pleines les antiques annales des peuples ; il pense que le serpent d’Epidaure, qui délivra Rome de la peste, était ce bon ange dont l’office est de guérir les douleurs humaines ; il estime que c’est un esprit céleste qui fit parler la Junon de Veïes, et