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À côté de ces pages d’histoire contemporaine, le recueil de M. de Weber contient des travaux fort variés : un travail de bibliographie raisonnée sur les écrivains de l’histoire nationale depuis le commencement du XVIe siècle, par M. Wachsmuth ; une étude profondément érudite sur les différentes branches de la nation des Suèves dans l’Allemagne centrale au commencement du moyen âge, par M. Fraustadt ; des études militaires et d’archéologie locale, et enfin une importante dissertation de M. Helbig concernant un des grands épisodes de l’histoire diplomatique au XVIIe siècle. On sait quel ascendant la paix de Westphalie avait assuré à la France dans toute l’Allemagne. Le droit de protection que la France avait conquis sur les différens princes germaniques s’était transformé bientôt en une domination véritable, supérieure à celle que l’empereur lui-même exerçait. M. Mignet a magistralement exposé ces triomphes de la diplomatie française au commencement du règne de Louis XIV, mais il n’a pas prétendu épuiser un si vaste sujet, et chacune des archives étrangères que le zèle historique de notre temps explore révèle quelque entreprise nouvelle d’une politique active et bien servie. M. Helbig a retracé, d’après les documens inédits conservés dans les archives de Dresde, l’histoire d’une de ces négociations nombreuses qui ont eu, après le traité de Munster, pour but constant et pour effet dégrouper autour de la France un nombre toujours plus considérable de petits souverains devenus dociles. Il s’agit cette fois de l’électeur de Saxe Jean-George II. M. Helbig raconte les circonstances curieuses du traité qui fut conclu avec lui en 1664. La politique-de Louis XTV avait sur cette alliance des vues fort étendues. On écrivait de Dresde que « la Saxe pourrait tenir en bride l’empire et la Suède, » et le cabinet de Versailles se préoccupait en effet sérieusement de créer au nord de l’Allemagne une puissance imposante, qui fût dévouée aux intérêts français. On sait comment la place fut bientôt prise par une monarchie dévouée à de tout autres intérêts. A partir de décembre 1666, un envoyé du gouvernement français, nommé Chasson, résida à Dresde, et veilla à ce que l’électeur ne s’éloignât pas de la ligne dans laquelle le retenait d’ailleurs le besoin d’abondans subsides. L’électeur et ses frères furent de constans appuis pour le vainqueur de la triple alliance et pour le négociateur de Nimègue. M. de Pomponne signa avec l’envoyé saxon Wolframsdorf à Saint-Germain, le 5 (15) novembre 1679, un traité dont les articles secrets stipulaient que l’électeur consacrerait tous ses efforts à faire décerner la couronne impériale à Louis XIV, « comme plus capable que tout autre, par ses grandes et héroïques vertus et par sa puissance, de soutenir la couronne impériale, de rétablir l’empire dans son ancienne splendeur, et de le défendre contre le voisinage du Turc. » Tous ces épisodes diplomatiques sont racontés par M. Helbig avec une précision qui apporte ça et là des rectifications et des additions aux textes déjà connus.

Les princes allemands n’étaient si soumis à l’ascendant politique de Louis XIV que parce que la civilisation élégante dont la France avait donné le signal les enveloppait de toutes parts. Ils cédaient à l’attrait d’un luxe qui les ruinait, et ils avaient après cela besoin de subsides. Ces envahissemens d’une culture étrangère déjà raffinée, et contrastant avec la simplicité germanique, donnaient lieu à une multitude de nuances dont