Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 46.djvu/509

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par la publication nouvelle qu’il a récemment entreprise de concert avec le célèbre historien M. Wachsmuth. On sait avec quelle facilité se fondent en Allemagne des recueils érudits : un savant dont le nom inspire la confiance appelle à lui quelques hommes de mérite, et s’engage à donner tous les trois mois deux ou trois études d’histoire, de philologie ou de science ; un public suffisant ne manque jamais à ces sortes de recueils, dont un certain nombre sont parvenus à une véritable célébrité. C’est ainsi que M. de Weber vient de fonder un périodique intitulé : Archives pour l’histoire de Saxe, dans lequel il se propose d’abord de faire, connaître, avec le concours des hommes spéciaux, tout ce que le dépôt public de Dresde contient de négociations, de mémoires et de correspondances offrant un véritable intérêt politique, ensuite de centraliser tous les travaux inédits se rapportant, de loin ou de près, à une branche de l’histoire saxonne. M. de Weber lui-même a écrit dans les premières livraisons du recueil une biographie fort étendue de l’un des principaux hommes d’état saxons, du comte d’Einsiedel, qui, de 1794 à 1831, ne quitta pas les affaires publiques.

Pendant la plus grande partie de sa longue carrière, le comte d’Einsiedel fut le ministre dévoué de l’honnête Frédéric-Auguste, allié fidèle de Napoléon. En donnant, avec le secours des renseignemens jusqu’à ce jour inconnus que lui présentaient les archives royales, une biographie étendue de cet homme politique, M. de Weber a restitué une page importante, non pas seulement de l’histoire de son pays, mais de celle encore de l’Allemagne et de l’Europe pendant le premier tiers si agité du XIXe siècle. A côté des intéressans détails qu’il fait connaître sur l’infatigable travail intérieur par lequel le comte d’Einsiedel s’efforçait de diminuer ou de guérir en Saxe les malheurs inséparables de la guerre, l’auteur se trouve appelé à publier des pièces d’une incontestable et précieuse authenticité concernant les grands événemens de cette époque. Il faut compter dans ce nombre un utile récit des divers incidens de la grande journée du 18 octobre 1813 par un témoin qui y avait été fort mêlé. — Il était déjà midi, et la bataille de Leipzig était à peu près décidée, quand un aide de camp, M. de Nostitz, vint dire au roi que la cavalerie saxonne avait déjà passé à l’ennemi ; l’infanterie, commandée par le général Ryssel, menaçait d’en faire autant, si le roi lui-même ne se décidait à répudier immédiatement l’alliance de Napoléon. On attendait une réponse suprême. Frédéric-Auguste n’hésita pas, et un ordre royal fut immédiatement adressé au général Zeschau en ces termes : « Général, j’ai placé ma confiance dans mes troupes, et je suis moins disposé en ce moment que jamais à m’en dédire. Elles n’ont pas de meilleur moyen de me prouver leur fidélité qu’en accomplissant leur devoir. J’attends de vous que vous fassiez tous vos efforts pour les y retenir. » Une heure après, Zeschau, ayant ramené en arrière le petit nombre de Saxons restés fidèles, environ sept cents hommes, venait annoncer au roi la défection du reste de l’infanterie saxonne. — Le lendemain 19 octobre eut lieu la scène des adieux de Napoléon à la famille royale de Saxe, que M. Thiers a brièvement racontée. « Relevant fièrement son visage grave, mais non abattu, dit-il, l’empereur exprima l’espoir de redevenir bientôt formidable derrière le Rhin, et promit de ne pas stipuler de paix dans laquelle la Saxe serait sacrifiée… » Le témoin cité par M. de Weber confirme ces traits au milieu de son récit : « Le