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pièce retrouvée à Dresde soit, pour la plus grande partie, écrite en anglais, beaucoup de fragmens y ont été conservés en langue française, notamment les réponses de l’empereur, quand M. Littleton se croit sur de son souvenir. Et pourtant on a peine à croire que ce souvenir ait été fidèle quand on lit ces paroles irritées, quoique désormais impuissantes : « Vous agissez comme une petite puissance aristocratique et non comme un grand état libre. Je suis venu m’asseoir sur votre sol ; je voulais vivre en simple citoyen anglais. Peut-être ce que vous faites est-il prudent, mais ce n’est pas généreux. Si vous n’aviez d’autre dessein que d’agir suivant les règles de la prudence, pourquoi ne pas me tuer ? Vous avez souillé le pavillon et l’honneur national en m’emprisonnant comme vous le faites. Vous avez flétri votre pavillon ; la postérité vous jugera… J’avais mon grand système politique. Il était nécessaire d’établir un contre-poids à votre énorme puissance sur mer. Je voulais rajeunir l’Espagne, et faire pour elle beaucoup de ce que les cortès ont tenté depuis. Je ne dis pas que l’idée d’amener la perte de l’Angleterre ne m’ait pas, pendant vingt années de guerre, passé par la tête,… c’est-à-dire votre perte, non, mais votre abaissement ; je voulais vous forcer à être justes, ou plutôt moins injustes… Vous avez été à Pétersbourg, monsieur, et vous dites que vous avez entendu les Russes dire du bien de moi. Pourquoi me haïraient-ils ? Je leur ai fait la guerre, voilà tout… Je voulais rétablir la Pologne ; c’est une grande nation. Poniatowski en était le véritable roi. Avez-vous été à Moscou ?… Ce n’est pas moi qui ai brûlé Moscou… C’est une île de fer, cette Sainte-Hélène, et un climat malsain… » Puis il parlait des Bourbons, des difficultés que leur opposerait un pays auquel on les imposait par la force. Il s’étendait avec une complaisance évidente sur les ressources qui restaient, disait-il, à la France, sur les progrès de la chimie industrielle, qui lui permettait, en bien des cas, de se passer de l’étranger, sur la production indigène du sucre de betterave, sur l’industrie de l’indigo et sur une ancienne loi de Henri IV a ce sujet, qu’il avait lui-même renouvelée. L’Angleterre avait de célèbres chimistes, mais la science n’était pas descendue chez elle à des applications pratiques aussi généralement répandues qu’en France.

Nous ne pouvons nous proposer ici de rendre un compte exact de quatre volumes dont les matières sont si variées. Il nous suffira de nommer, parmi les noms célèbres auxquels se rattachent les principaux documens publiés, le maréchal de Saxe et son illustre descendance jusque dans notre temps, le mystérieux comte de Saint-Germain, la princesse Palatine, mère du régent, le comte de Konigsmark, don Carlos d’Autriche, Théodore de Neuhoff, roi de Corse, etc. Le peu de rapport de ces noms entre eux donne une juste idée de la manière dont l’ouvrage se présente, et cela nous amène à présenter à l’auteur deux objections : pourquoi d’abord s’est-il abstenu d’indiquer soigneusement pour chaque pièce employée par lui dans quelle correspondance et même dans quelle liasse elle se retrouverait aux archives de Dresde ? En second lieu, l’historien qui consulte l’ouvrage se prend à regretter que ces quatre volumes, déjà précieux assurément, n’offrent pas autant de ressources pour l’histoire politique et diplomatique que pour la peinture des mœurs et la curiosité.

M. de Weber, à la vérité, paraît avoir répondu à cette dernière objection