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l’affliction la plus profonde, et ses sujets s’associèrent à son deuil comme ils s’étaient associés à ses joies. Quatre ans auparavant, lorsque sa fille ainée, la princesse Victoria, avait épousé le prince royal de Prusse, toutes les classes de la population, en faisant éclater leur enthousiasme pour celle qui savait si bien concilier ses devoirs de femme et de souveraine, lui souhaitaient dans le bonheur de son enfant la récompense des nobles exemples qu’elle avait donnés sur le trône, et maintenant son royaume, qui est vraiment sa famille, lui témoignait une sympathie plus vive encore et partageait toutes ses douleurs.

Le jour des funérailles, la ville de Londres, ordinairement si bruyante, paraissait comme frappée de stupeur. Les transactions étaient arrêtées, la vie suspendue ; chacun déplorait, comme une calamité publique, la fin prématurée de ce prince de quarante-deux ans, hier encore dans toute la force des espérances et de la santé. La reine Victoria s’est dévouée tout entière au souvenir de son époux, et la mort elle-même n’a pu rompre la communauté de ces deux âmes. Son principal désir a été de se conformer religieusement aux intentions du prince, de réaliser ses idées, de mener à bien ses entreprises. Après un an et demi d’une retraite absolue, la reine vient de retourner à Londres. Sa première démarche a été de se rendre à ce palais de l’exposition de 1851 qui s’était élevé, pour ainsi dire, à la voix de son époux. Sa visite a été suivie, dans le Court-Circular, de quelques observations dont le pays tout entier a été frappé. Le projet de faire acheter l’édifice par l’état avait soulevé des objections ; mais lorsqu’on a rappelé que cette idée était un des plans favoris du prince Albert, le ministère et l’opposition se sont réunis, et, dans une pensée de déférence pour la reine, le projet a été adopté. C’est ainsi que, dans les grandes comme dans les petites choses, la reine Victoria s’applique à rendre un perpétuel hommage à celui qu’elle a tant aimé. « Digne d’admiration et de respect dans toutes les conditions humaines, a dit M. Guizot, cette tendresse fidèle, active et ambitieuse pour une mémoire chérie est encore plus touchante sur le trône. » Jamais la souveraine de l’Angleterre ne s’est montrée aux yeux de son peuple sous un aspect plus vénérable que depuis qu’elle apparaît au foyer domestique, douce et majestueuse, couvrant d’un voile de deuil son sceptre et sa couronne, ornée de ses enfans et de ses vertus, avec ce je ne sais quoi d’achevé que nulle femme ici-bas ne peut porter sur un visage où la douleur n’a pas gravé son signe auguste.


I. DE SAINT-AMAND.
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LES ARCHIVES SAXONNES.


Deux publications récentes faites à Dresde offrent à qui en a pu profiter l’occasion de rendre hommage à l’hospitalité libérale avec laquelle l’important dépôt des archives de Saxe est ouvert aux étrangers[1]. Les frontières de la Saxe étaient jadis fort étendues, de sorte que son histoire générale

  1. Aus vier Jahrhunderten (Documens sur quatre siècles), par M. Charles de Weber, directeur des archives de Dresde ; 4 vol, Leipzig 1857-63. — Archiv fur die Sächsische Geschichte (Archives de l’histoire de Saxe) ; Leipzig 1863.