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mensonge; il est certain que les gens du métier eux-mêmes ont peine à s’expliquer tant de miracles de préservation. Quels ressorts la nature met-elle donc en jeu à ce moment? Ce n’est point ici le lieu d’insister sur les singuliers phénomènes qui se produisent dans les accidens de chemin de fer : notre tâche était de démontrer comment tout était constitué dans le service courant pour conserver et renouveler le matériel sans grever l’avenir.


III

Pendant les deux périodes qu’on vient de décrire, — les périodes de création et d’exploitation, — les chemins de fer, on l’a vu, sont soumis à des exigences bien variées; et cependant, pour se rendre entièrement compte de la situation qui leur est faite, il faut encore parler des difficultés de l’avenir. Ces difficultés sont de telle nature que l’industrie même peut se voir condamnée à disparaître devant la mise en pratique d’un mode de transport supérieur. L’invention de ce mode nouveau est dans les droits de l’humanité. Les chemins de fer ont remplacé les diligences et les bateaux à vapeur; qui sait à quel système plus ingénieux et plus hardi ils devront eux-mêmes céder la place? Les aéronautes nous font espérer les routes du ciel, des ingénieurs annoncent aux anciennes voies de terre des locomoteurs qui n’auront plus besoin de rails ni de monopole. Sans vouloir nier ni discuter ces promesses, nous ferons quelques remarques sur les améliorations qui auraient pour but non de supprimer les chemins de fer, mais d’en accroître la puissance. Les réformes projetées doivent satisfaire à des vœux qu’il est facile de résumer en quelques mots : plus de vitesse, plus de comfortable! Tel est le double but qu’on veut atteindre par diverses innovations proposées. Quelle en est donc la valeur pratique?

Écartons d’abord cette objection que les chemins de fer sont assez riches pour tout oser en vue du progrès. Les chemins de fer ne sont pas tenus à moins de prudence que toute autre grande industrie en matière de réformes, surtout en présence de la création prochaine des voies dites du troisième réseau, dont l’avenir n’est pas bien connu. Un autre point capital, c’est que les chemins de fer existent avec un type qu’on pouvait peut-être mieux choisir à l’origine, mais qui est adopté partout, et constitue un réseau commun où le temps a tout coordonné, tout associé. On sait quelle est l’effroyable complication de ces rouages mécaniques et administratifs en personnes et en choses. Chaque détail est solidaire de la masse, un seul mouvement qui s’arrête peut être un principe de désorganisation générale. Combien donc faut-il prendre garde de toucher à ce redoutable ensemble ! Que d’inventeurs ont cru ne modifier qu’un détail