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pour chacun, la statistique enregistrera non-seulement le. parcours respectif, mais la nature des matériaux, les consommations, les localités et les charges de service. S’il faut absolument comparer les deux types, on égalisera toutes ces circonstances; mais dans la pratique on aura soin de ramener le service à des conditions moyennes qui permettent l’emploi de tous les types, dont on réduit d’ailleurs le nombre. La statistique est alors très simple : il ne reste à inscrire que peu de chiffres en des colonnes de tableaux préparés. Hors de ce système, on est réduit au hasard, aux impressions de chacun; mais dans un grand ensemble administratif il faut marcher d’un pas sûr à travers toutes les opinions, et ne pas regarder comme superflus les rouages et les dépenses qui traduisent la vérité en chiffres péremptoires.

Voilà donc comment, au milieu de détails infinis, le directeur d’un railway peut suivre son matériel; il ouvre son registre, et d’un coup d’œil il en saisit l’histoire. Les roues par exemple, qui se comptent par milliers sur une grande ligne, les essieux, dont la rupture est si dangereuse, ont leur numéro et leur marque de série; la provenance, les particularités de fabrication, le genre et le degré de surveillance à exercer, le service, sont indiqués sur le registre de statistique. On y inscrit chaque mois le parcours fourni en addition au parcours antérieur. Quand le total s’élève, on s’inquiète, on prescrit un redoublement de surveillance. Avant même que des avaries surviennent, on fait des épreuves sur quelques spécimens de la série; s’il y a lieu, on en opère d’emblée le retrait général, et les vieilles roues retournent aux forges, où elles sont converties en fer neuf. Tout au plus on achève de les utiliser dans le transport des marchandises ou dans les gares, là en un mot où les accidens, s’ils arrivaient, ne menacent aucune vie. La statistique fait-elle reconnaître que le service des roues rentrées en réparation a été de courte durée, c’est un avertissement dont on se hâte de profiter, soit pour opérer le retrait de la série plus tôt que de coutume, soit pour modifier la fabrication des roues à venir.

Pendant que l’ingénieur se livre à ces études dans son cabinet, les roues en service sont l’objet d’une surveillance continue sur la voie même. On a pu remarquer en voyageant sur les chemins de fer un ouvrier à l’œil intelligent qui, aux stations principales, va frapper d’un marteau chaque roue du train. Ce visiteur reconnaît, au son rendu par le métal, si la roue est saine ou si un bruit de cloche fêlée accuse des lésions. Il inspecte de même les ressorts, attelages ou autres pièces importantes. On n’imaginerait pas quelle finesse acquièrent ses sens pour juger des altérations. S’il découvre le plus léger indice d’avarie, il fait changer le véhicule, ou transmet