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que la pluie délaie, les sables pulvérulens, qui s’éboulent, et les tourbes, qui, en se comprimant comme l’éponge, fournissent une voie élastique où les oscillations sont insupportables. Telle est l’origine de ces amoncellemens de terres inutiles qu’on voit avec surprise le long de certains chemins de fer, et de ces emprunts qu’on laisse trop souvent à l’état de fondrières marécageuses. Quelque mauvaises que soient les terres sur place, il faut souvent les employer faute de mieux, et alors on a recours à des artifices intéressant Sous ces talus que suit l’œil indifférent du voyageur sont des pilotis ou des fascines qui fixent les terres; quelquefois un drainage fait écouler les eaux intérieures; les empierremens, les gazonnages, les plants d’arbres, ont aussi leur utilité comme moyen de consolidation.

Les bois sont à leur tour l’objet d’une réception à laquelle président des employés spéciaux dits forestiers. En les recueillant, ils étudient la nature, l’âge, la provenance, l’époque de la coupe, car ces conditions ont une grande influence sur la qualité. Les bois durs seront toujours préférés malgré l’élévation du prix. C’est à multiplier ces essences qu’on doit surtout s’attacher dans le reboisement. Si les bois durs font défaut, on durcit les bois tendres par divers procédés dits conservateurs. On connaît le système Boucherie et ceux qui introduisent mécaniquement entre les fibres ou pores du bois des matières bitumineuses ou salines, venant prendre la place de la substance aqueuse. C’est une opération intéressante, mais délicate, à surveiller de près, car le but peut être dépassé, le bois brûlé, altéré prématurément, privé de son élasticité naturelle.

De tous les matériaux, aucuns ne doivent être plus sévèrement choisis que les métaux entrant dans la fabrication des rails et la construction des machines. Le temps est passé où l’on croyait le fer toujours assez bon pour la voie. Les railways demandent aux métaux des propriétés si strictement requises, qu’on est souvent forcé de faire contribuer le globe entier aux fournitures. Les cuivres de Russie, les fers du Yorkshire, les aciers de Prusse et ceux qui proviennent de la cémentation[1] des fers de Suède doivent la préférence qui leur est accordée à un rare assemblage de toutes ces qualités.

  1. La cémentation est une opération par laquelle on incorpore au fer forgé, ou relativement pur, une proportion donnée de carbone qui en change la structure, en augmente la dureté, le rend élastique et sujet à la trempe. En un mot, l’acier est un fer carburé où le carbone est chimiquement uni au fer molécule à molécule. Voilà du moins ce qu’enseignait la science jusqu’aux récentes études de M. Frémy, qui a renversé toutes les idées reçues sur l’acier. Aujourd’hui il paraîtrait que le rôle du carbone est douteux, et qu’on peut faire ne l’acier à l’aide de nouveaux élémens donnant à plusieurs de nos fers français les propriétés voulues.