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tolérance civile, de la liberté de discussion, de la liberté de la presse, des garanties inscrites dans une constitution, l’auteur des Libres Penseurs les bafoue comme des impiétés sorties de l’immonde source de la révolution française et désavouées par son catholicisme transcendant ! En fait de libertés, il n’y en a qu’une, la liberté du bien, qui est la liberté exclusive de l’église ; toutes les autres sont des insurgées à dompter, des prétendantes illégitimes à évincer sans phrases. S’agit-il de politique, de gouvernement, on est ici au nœud du système, qui est des plus simples en vérité. Derrière la société, dénuée de ses antiques forteresses, ouvrage des siècles et de la prévoyante sagesse de nos pères, vous dira M. Veuillot, il y a deux forces qui veillent ; « unies, elles peuvent tout ; séparées, elles sont faibles, hostiles : elles seraient vaincues. Le pouvoir n’a point de traditions, l’église n’a point d’armure. Que le pouvoir couvre l’église de sa force ; que l’église, comme elle y est prête, honore le pouvoir de son concours… » — En d’autres termes, dit au pouvoir l’habile négociateur de cette transaction qui doit résoudre tous les problèmes, entendons-nous ! Vous avez quatre cent mille soldats, nous avons quarante mille prêtres : réunissons nos forces et faisons refluer ce courant de révolution qui a enlevé à l’église ses biens, ses privilèges de prépondérance, qui a créé au pouvoir politique une instabilité permanente. Entendons-nous une bonne fois, et rétablissons l’état chrétien, un état où l’église retrouvera son droit de posséder, son droit exclusif d’enseigner, ses associations, sa juste domination sur la vie morale, où l’état sera d’autant plus tranquille que nul ne pensera. Et si quelqu’un pense, il aura le choix entre l’église, qui le convertira, parce que c’est son devoir de convertir les âmes, et l’état, qui le châtiera, parce que c’est son devoir de faire respecter l’église. — Voilà comment M. Veuillot entend la religion et la politique ! Et comme il faut un type en tout, il a son type, son idéal de prince catholique : c’est le roi Ferdinand II de Naples. Le jour où ce prince est mort, M. Veuillot s’est écrié avec la solennité d’un Bossuet détérioré : « Dieu a rappelé à lui l’âme généreuse et chrétienne de Ferdinand, roi des Deux-Siciles. Depuis quelques mois, cette nouvelle était attendue d’heure en heure… L’Europe a perdu un homme, — un homme et un roi ! Et quoiqu’il y ait loin de ce petit trône de Naples et de l’histoire de Ferdinand au trône et à l’histoire de Louis XIV, cependant il ne s’en faut pas de beaucoup peut-être que l’on puisse dire aujourd’hui ce que l’on disait en Europe lorsque Louis XIV venait de quitter la vie : le roi est mort ! etc.. »

Si c’est un ami du catholicisme qui parle ainsi, comment parlera un ennemi pour faire fuir ses contemporains hors du giron d’une