Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 46.djvu/371

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à son tour il fait son éducation, la dépouille de son appareil pédantesque, lui apprend à vivre, à parler bref ils s’épousent, ils font bon ménage, et voilà ce qu’on appelle la renaissance.

— Oui, monseigneur ; à l’éternelle gloire de votre beau pays, vous pouvez dire que c’est dans une ville d’Italie que la sombre chouette de la Minerve des scolastiques, transformée par miracle en un brillant oiseau du paradis, échangea ses tristes plumes hérissées contre un plumage éblouissant de pierreries, et ses gros yeux effarés qui chérissaient la nuit en deux beaux yeux amoureux du soleil.

— Je sais bien, reprit-il, que cet heureux miracle a été chèrement payé. À force de vivre dans le monde, la science est devenue mondaine ; elle s’est trop émancipée ; cette méchante enfant, méconnaissant sa mère, la sainte église apostolique, a fini par la battre et la bafouer. Elle en sera punie. Laissez-nous faire, nous saurons bien la cloîtrer de nouveau, et il faudra que, prenant le sac et la cendre, elle se purifie par la pénitence. Alors cependant on la vit sans inquiétude adopter la vie séculière ; on pensa que le monde y gagnerait, sans que l’église y perdît rien. Et ce que le monde y gagna n’est certes pas à mépriser… Quiconque en douterait, qu’il aille au Vatican, dans la salle de la Signature, et qu’il étudie l’Ecole d’Athènes. Quant à moi, il est quelque chose que j’admire plus encore que les Aristote, les Platon, les Pythagore de Raphaël, ce sont leurs disciples, ces jeunes gens, ces enfans qui s’empressent autour d’eux d’un air de curiosité ingénue, et qui, recueillis, suspendus aux lèvres du maître, semblent boire avidement la sagesse et la joie de l’esprit. Que j’aime aussi celui qui, adossé contre la muraille, s’est fait de son genou un pupitre et se hâte de noter une sentence qu’il vient d’entendre ! Il écrit, il écrit… Toute son âme semble passer au bout de sa plume. Et cet autre qui ne fait que d’entrer et se dirige en courant vers le groupe où préside Socrate !… Que dis-je ? Il ne court pas, il vole, comme porté sur les ailes du désir. Qu’il lui tarde d’étancher la soif d’apprendre qui le dévore ! Oh ! que toutes ces têtes sont charmantes ! que tous ces corps sont souples et gracieux ! Ils sont de race, tous ces enfans ; un noble sang coule dans leurs veines ; il en est parmi eux qui sont nés sur les marches d’un trône. Celui qui est vêtu d’un manteau blanc, vous le savez, il s’appelle François-Marie de La Rovère, neveu du pape Jules II. Ce sont de jeunes cavalieri rompus aux exercices du corps, instruits aux belles manières, costumati e gentilescamente nodriti. Ils s’entendent à réduire un cheval ombrageux, à manier avec grâce la lance et l’épée, à courir la bague ou une quintaine, à briller dans un tournoi. Et au sortir de la lice, déposant leur cuirasse, ils accourent, empressés, avides, dans l’école des philosophes, ils s’inclinent devant ces barbes