Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 46.djvu/331

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Elgin, après avoir signé en 1858 le traité de Tien-tsin, a-t-il été de visiter ce nouveau domaine offert à l’exploitation britannique, et le récit de sa courte excursion, décrite par son secrétaire, M. L. Oliphant, a été accueilli en Angleterre avec un vif intérêt.

On possédait déjà quelques notions sur le Kiang par les relations des ambassades de lord Amherst et de lord Macartney ; mais en ces temps-là l’étiquette chinoise mesurait l’air et la lumière aux rares Européens qui étaient admis à franchir le seuil de l’empire. On les tenait bien soigneusement enfermés dans de bonnes jonques d’où ils voyaient la Chine passer ou plutôt fuir devant eux. Plus récemment, M. l’abbé Hue, ramené du fond du Thibet à Canton, a suivi le cours du Kiang : on connaît les singulières pérégrinations de ce missionnaire, qui menait si rondement son escorte, violait toutes les consigner et causait aux mandarins, par son humeur militante, de si cruels déplaisirs. Dans le journal de voyage où il a raconté son aventure d’une façon si amusante, on trouve une description du grand fleuve et d’une partie de ses rives. Ce n’est encore pourtant qu’une vue rapide et très incomplète. Si disposé qu’il fût à ne point se laisser enfermer et surveiller comme un ambassadeur, M. Hue n’avait point tout à fait ses coudées franches. Bien des détails lui ont échappé. C’est seulement depuis la dernière guerre que l’Europe est entrée à pleines voiles ou, pour parler plus exactement, à toute vapeur dans ce fleuve. Avant peu sans doute, on pourra écrire un guide pour le Yang-tse-kiang, à l’usage des commis voyageurs et des touristes. On y indiquera les étapes,, les distances, les monumens, les auberges, en un mot tout ce qui concerne ce genre particulier de littérature. Voici déjà une première ébauche. C’est le journal d’une expédition qui en 1861 est partie de Shang-haï avec le projet de gagner l’Inde en traversant la Chine, le Thibet et la chaîne de l’Himalaya. Ce dessein hardi ne put être complètement exécuté : arrivés au seuil du Thibet ! les voyageurs se virent obligés de revenir sur leur pas ; mais ils avaient remonté le Kiang à six cents lieues de son embouchure, en s’arrêtant chaque jour sur ses rives pendant une excursion de cinq mois, dont le capitaine Blakiston vient de publier le curieux récit. Nous pouvons, en attendant mieux, nous servir de ce guide et pénétrer avec lui dans les profondeurs de la Chine.

Ce fut en février 1861 que l’expédition quitta Shang-haï,. à la suite de l’amiral Hope, qui allait visiter les nouveaux ports ouverts au commerce par le traité de Tien-tsin et y installer les consuls, anglais. Cette partie du. Kiang est maintenant assez bien connue ; les bâtimens de commerce la sillonnent librement, en passant à travers les escadres impériales et sous les canons des rebelles, et l’on peut dire que l’Europe en a pris possession. Nous n’avons donc plus à la