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est une illusion, il vaut mieux l’adorer que la force. Mais le parti légitimiste semble avoir été mis au monde pour justifier la distinction contestée que Montesquieu a faite entre l’honneur et la vertu. Ce noble parti est conduit par l’honneur ; ce qui lui manque à un certain degré, c’est la vertu, j’entends, comme l’entend l’Esprit des Lois, la vertu publique, celle qui se sacrifie à l’état et au pays. L’état, pour ceux qui voient dans l’hérédité dynastique autre. chose qu’une combinaison utile, devient une fiction parfois chimérique, et la patrie elle-même est ce que leur imagination rêve et non ce que les événemens en ont fait. L’idéal les détache de la réalité. C’est là ce qui maintient dans un fâcheux isolement, et par suite dans une inaction plus fâcheuse encore, un parti qui plus que tout autre aurait besoin de se mêler à l’activité sociale. Ce que les adversaires de l’aristocratie lui reprochent le plus communément, c’est d’être oisive. Serait-il bien avisé au parti de l’aristocratie de répondre en se faisant un devoir de cette oisiveté même, et de mettre sa gloire à être actuellement inutile à la patrie ? À ce compte, que deviendrait sa jeunesse ? Il semble donc que, docile à d’illustres exemples, ce respectable parti, en conservant toute la réserve dont l’abandon serait une infidélité à son principe, agirait plus sagement, s’il prenait une part plus effective à une œuvre aussi nationale que les élections. Il a naturellement une véritable indépendance ; comme toute minorité, il a la haine de l’arbitraire. C’est tout ce qu’il faut pour prendre une grande place dans l’opposition.

On rapproche souvent le parti catholique du parti légitimiste. Par le parti catholique il ne faut pas entendre tous ceux qui croient et professent la religion catholique en France ; ce n’est pas là un parti. Ce nom n’appartient qu’à ceux qui rapportent et subordonnent toute politique à l’intérêt catholique. Ce parti est en général vif et animé. Il est représenté par des hommes de talent. Politiquement, il a manqué quelque peu d’ensemble et de consistance. Ainsi il s’est quelquefois montre gouvernemental jusqu’à la faiblesse. Il conserve trop de défiance et de préventions contre le libéralisme. On doit souhaiter qu’il suive plus résolument la voix de quelques-uns de ses chefs, et forme décidément une avant-garde libérale dans l’armée de la foi. Une complaisance pour l’absolutisme, taxée quelquefois de connivence, n’a que trop nui à l’église et à ses défenseurs. Ses ennemis ont usé et abusé contre elle de cette faute peut-être involontaire. L’ardeur visible du parti catholique à se séparer de la foule, ses goûts de distinction et d’originalité, peut-être même cette fantaisie de paradoxe qu’on lui a reprochée, doivent lui servir à rompre avec l’ancienne école contre-révolutionnaire et à faire alliance avec une certaine démocratie libérale qui peut être indifférente,