Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 46.djvu/247

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tion pratique la plus positive et la plus effective, celle qui résulte de l’élection revenant à brefs intervalles et à échéances périodiques. Le lien de responsabilité qui unit le chef du pouvoir exécutif au pays sous la forme républicaine est si étroit, si bien dans la main du pays, toujours maître dans un bref délai de le conserver ou de le rompre, qu’il est parfaitement juste, logique et nécessaire que les ministres y dépendent exclusivement du chef du pouvoir. Nous avons eu plus d’une fois à montrer que telle est la condition du pouvoir exécutif dans la constitution des États-Unis. N’oublions pas que c’est justement dans ces conditions qu’a été posé le plébiscite de 1851. Le pouvoir exécutif y était électif, et l’élection du président devait avoir lieu tous les dix ans. La grande épreuve de la responsabilité du chef élu devait s’accomplir au bout de chaque période décennale. Si l’on s’en fût tenu à ce premier plébiscite, déjà, à la fin de 1861, le chef de l’état eût soumis effectivement sa responsabilité au contrôle souverain du vote universel ; mais depuis lors la forme du pouvoir exécutif a changé parmi nous, la sanction positive que le plébiscite de 1851 assignait à sa responsabilité a disparu de notre constitution. D’électif le pouvoir exécutif est devenu permanent et héréditaire dans la dynastie impériale. La connexité naturelle qui dans le plébiscite de 1851 liait la dépendance des ministres à la responsabilité du chef du pouvoir exécutif a donc perdu une très grande partie de sa force. Il y a là certes une lacune qui ne pourrait être comblée, suivant l’opinion du Moniteur, que par un nouveau plébiscite. Nous n’en demandons pas tant. Nous nous fions aux nécessités et aux inspirations de la pratique gouvernementale du soin de faire fléchir les abstractions constitutionnelles, si les circonstances l’exigeaient. Dans le fait, le problème, pour le souverain, se réduit à choisir ses agens parmi les hommes qui, grâce à leurs principes, à leur talent, au crédit dont ils jouissent auprès du public, sont le plus capables de diriger le gouvernement. L’intérêt bien entendu du prince s’accorde en ce point avec l’intérêt du pays et la logique des choses. Il s’agit là non d’un dogme, mais d’une question de conduite. Les nécessités du gouvernement, — cet intérêt de premier ordre, — actuel, urgent, impérieux, que le duc de Wellington exprimait avec la simplicité d’un esprit positif, lorsqu’il répétait dans les temps critiques le mot devenu proverbial dans sa bouche : « Il faut pourtant faire marcher le gouvernement de la reine ! » voilà le seul et irrésistible auxiliaire sur lequel nous comptons pour faire pénétrer au moment voulu dans les conseils du pouvoir les idées, les mesures et les hommes suscités et portés par l’opinion publique. En soulevant inutilement la question d’un nouveau plébiscite, sait-on dans quel débat on s’embarquerait ? Il faudrait d’abord faire une législation organique sur les plébiscites, discuter non-seulement par qui ces formules de vote populaire seraient rédigées, mais à quelles époques il conviendrait de consulter sous cette forme la conscience nationale. Ce serait en même temps déchirer tous les voiles et soulever tous les nuages.