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Sa fortune tient en grande partie à cette division du travail, poussée jusqu’à l’idée fixe. Il est donc à croire qu’elle nous laissera nos illusions sans les partager, et que nos écoles professionnelles, si on les inaugure, ne trouveront pas d’imitateurs de l’autre côté du canal : non pas que les Anglais y mettent de l’orgueil, ni qu’ils répugnent à nous faire des emprunts ; seulement ils choisissent. C’est ainsi qu’en moins de dix ans ils ont fondé, en vue de leurs industries de luxe, quatre-vingt-dix écoles de dessin et formé quatre-vingt-douze mille élèves. Ils péchaient du côté de l’ornement, et, dans un rapport sur l’exposition de 1862 écrit de main de maître, M. Mérimée leur rend cette justice, que, sans nous égaler encore, ils se sont, en fait d’art, rapprochés de nous.

Dans toutes les branches de l’enseignement, on retrouve cette ardeur qui ne recule pas devant les sacrifices. La plupart des écoles populaires n’ont eu à l’origine d’autres protecteurs que des associations privées. Ces associations contribuent encore à l’entretien des anciennes écoles et en fondent chaque jour de nouvelles ; elles ont des écoles normales et des écoles modèles pour former des instituteurs et des institutrices ; elles publient des livres qu’elles vendent au rabais, fournissent des mobiliers scolaires et publient des journaux d’éducation. Chacune de ces associations a son département, ses patrons et sa clientèle. La Société Nationale prend son appui dans l’église établie ; la Société des Écoles britanniques et étrangères s’en tient à la Bible sans acception de dogmes particuliers ; la Société Congréganiste appartient aux cultes dissidens et dessert les écoles libres ; les deux grandes Sociétés des Écoles du dimanche, après avoir pris l’instruction populaire au berceau, en secondent les développemens par une action puissante ; enfin les Sociétés bibliques et surtout la Société pour le Progrès des connaissances chrétiennes dominent, avec des fonds considérables, ce mouvement de l’éducation, multiplient les bons livres, répandent largement en Angleterre et dans toutes les contrées du globe la semence morale et religieuse. Voilà les ouvriers indépendans de ces salutaires travaux, les missionnaires infatigables de cette culture des intelligences. Ils ne tiennent leur mandat que d’eux-mêmes et n’y emploient d’autres ressources que les leurs ; ils obéissent aux plus nobles instincts que Dieu ait mis dans le cœur de l’homme, le désir de soulager la souffrance, d’aider la faiblesse, d’être les patrons avoués de la misère et de l’ignorance. Ils agissent dans la pleine liberté de leurs inspirations, avec d’autant plus de fruit qu’ils sont moins enchaînés, pouvant choisir l’heure, le sujet, le moyen, sans que la lettre d’un règlement paralyse leur effort ni que leurs actes soient renfermés dans des prescriptions impératives. Ne