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UN
VOYAGE AUTOUR DU JAPON
SOUVENIRS ET RECITS

I.
NAGASACKI, LES QUARTIERS FRANCS ET LA VILLE JAPONAISE.

L’été de 1861 avait cruellement éprouvé les Européens qui résidaient en Chine. D’étouffantes et malsaines chaleurs s’étaient succédé pendant de longues semaines; elles avaient donné à quelques-uns la fièvre, à quelques autres le choléra, et avaient fatigué tout le monde. En traversant le Bund, la promenade de Shang-haï où les étrangers se rassemblent vers le déclin du jour, on ne rencontrait que des figures pâles et abattues. Shang-haï est une ville singulièrement laide; tous ceux qui l’ont vue en conviennent. Située sur les bords du Whampoa, un de ces grands fleuves chinois qui roulent de lourdes eaux jaunâtres à travers d’immenses plaines d’une fertilité merveilleuse, mais d’une monotonie désespérante, elle n’a rien qui attire ou qui retienne le voyageur. Aussi quitte-t-on Shang-haï dès qu’on ne se sent plus forcé d’y vivre, et moi-même, une fois délivré des affaires qui m’y avaient appelé, j’eus hâte de me remettre en route. Aucun des amis dont l’hospitalité ingénieuse avait su me rendre le séjour parmi eux aussi agréable qu’il pouvait l’être n’essaya de me retenir. « Vous êtes heureux de quitter ce pays, disaient-ils; que ne pouvons-nous en faire autant! Bon voyage, et n’oubliez pas vos amis de Chine. » Je ne les ai pas oubliés et je ne les oublierai pas,