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Recherches sur les Ouragans[1].

La guerre civile de l’Amérique du Nord n’a point mis un terme aux recherches météorologiques inaugurées d’une manière si brillante par l’illustre Maury. Ces recherches se poursuivent sans relâche, non-seulement à l’observatoire de Washington, mais aussi dans un grand nombre d’établissemens scientifiques du monde entier. Le commandant Gilliss aux États-Unis, en Angleterre l’amiral Fitz-Roy, en Allemagne MM. Dove et Mühry, en Hollande MM. Andrau, Buys-Ballot, Krecke, Prestel, travaillent de concert à l’œuvre générale. Animés du désir de faire converger vers un même but leurs efforts individuels, ces savans complètent et contrôlent mutuellement leurs travaux. Ils reçoivent et coordonnent chaque année des milliers de rapports envoyés de tous les observatoires flottans qui sillonnent incessamment les océans et les mers; ils publient des cartes qui résument d’une manière ingénieuse et rendent visibles les résultats désormais acquis à la science; ils dégagent les lois du chaos apparent de tous les faits épars. Dans cette dernière partie de leur œuvre, rien n’est donné à l’hypothèse, car, à un certain point de vue, les lois de la nature ne sont autre chose qu’une série de faits.

Parmi les ouvrages que les météorologistes ont publiés en diverses langues et en différentes parties du monde, l’un des meilleurs est assurément De Wet der Stormen, dans lequel les savans hollandais Andrau et van Asperen ont exposé de la manière la plus complète la loi des tempêtes, déjà révélée en partie par les travaux de Piddington, de Reid, de Redfield. On sait dorénavant, à n’en pouvoir douter, que les tempêtes elles-mêmes, ces perturbations aériennes qu’on avait considérées comme le symbole du désordre suprême, se distribuent régulièrement dans les parages de la mer. Ainsi, dans l’Atlantique du sud, la zone où les tempêtes sévissent de préférence se développe parallèlement au-dessus du courant littoral. De même, dans l’Atlantique boréal, les orages ont choisi pour leur théâtre la surface du gulf-stream, et mugissent principalement sur cette grande ligne diagonale qui s’étend des Florides aux îles britanniques. A chaque traversée, les marins savent combien de coups de vent ils ont à redouter en moyenne; au nord-ouest de l’Irlande, pendant les trois mois de décembre, janvier et février, ils peuvent s’attendre tous les deux jours à vingt-quatre heures de tempête.

Les auteurs hollandais expliquent diverses anomalies apparentes dont les météorologistes n’avaient pas encore donné la raison. En se propageant dans les deux zones tempérées du nord et du sud, les ouragans des tropiques subissent de telles modifications que les marins peuvent souvent se

  1. De Wet der Stormen getoetst aan latere Waarnemingen (la Loi des Tempêtes d’après de récentes observations). Institut météorologique des Pays-Bas. Utrecht 1862.