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usurpe, de concert avec les représentans de sa nation, une autorité que les gouvernemens occidentaux auraient seuls le droit de déléguer à un de leurs sujets respectifs agissant en quelque sorte en leur nom.

Au Japon, l’intervention européenne n’est pas jusqu’à présent sortit des régions purement officielles. Cependant il est aisé de prévoir que les événemens qui se préparent détermineront dans un avenir prochain un état de choses qui aura plus d’un point de ressemblance avec celui qui règne en Chine. Le Japon, comme le Céleste-Empire, a été divisé depuis l’arrivée des Européens en deux factions puissantes, dont les rapports deviennent de plus en plus tendus, et qui ne pourront pendant longtemps encore demeurer paisibles l’une en face de l’autre. Les puissances occidentales ne se sont trouvées jusqu’à ce jour en relations qu’avec l’un de ces partis, celui du taïkoun, chef de la cour libérale de Yédo; comme en Chine, elles seront entraînées par la force des choses à se déclarer pour leur allié au moment où celui-ci, dans l’appréhension d’une guerre civile, sera impuissant à étendre sur leurs nationaux une protection suffisante. Les mesures déjà adoptées en Chine seront sans nul doute mises en vigueur au Japon, car on ne suivra dans l’extrême Orient qu’une ligne uniforme de politique. Il devient ainsi doublement désirable de ne pas abandonner cette grave question à l’arbitraire de quelques hommes dont les intérêts personnels sont trop en jeu pour faire espérer qu’ils la jugent avec la clairvoyance et l’équité nécessaires.


RODOLPHE LINDAU.



Les Méditations religieuses d’un pasteur protestant[1]

C’est un bon signe qu’en fait de littérature l’égalité des cultes commence à se faire dans les esprits. Il y a longtemps déjà que les haines qui séparaient les diverses églises se sont en grande partie éteintes, et les préjugés qui restent ont tellement vieilli qu’ils ne sont plus guère que de petites prétentions de clocher. De même que dans certaines villes de province on se pique d’avoir plus d’esprit que les habitans de la ville voisine, on tire vanité, comme catholique, d’appartenir à une religion qui a plus d’imagination que le protestantisme. Cela est assez inoffensif. Toutefois les habitudes de séparation subsistent dans toute leur force, et maintenant encore le petit monde huguenot, avec ses souvenirs et ses héros, avec son passé littéraire et ses livres, publiés par ses libraires, n’a pas cessé d’être comme une autre nation dans la nation; mais de plus en plus au moins ce

  1. Méditations religieuses, par Samuel Vincent, avec une notice sur sa vie et ses écrits par M. F. Fontanès, et une introduction par M. Athanase Coquerel fils, 1 vol. in-18. Michel Lévy, 1863.