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Sa politique anti-parlementaire a déjà refroidi et découragé cette portion de l’opinion libérale qui s’était habituée à voir dans la Prusse l’initiatrice des progrès de l’Allemagne. Présentera-t-il un projet moins large que celui de l’Autriche? C’est rompre complètement avec l’opinion libérale, abandonner toute prétention à l’hégémonie. Présentera-t-il un plan plus radical? Mais comment lui sera-t-il possible d’être radical dans sa politique fédérale? quelle autorité morale aura-t-il en prenant un tel rôle, si dans sa politique intérieure il demeure féodal, réactionnaire, exagérateur systématique de la prérogative royale? Proposer moins que l’Autriche, c’est marcher à une défaite irréparable devant l’opinion; proposer plus que l’Autriche, c’est désavouer la politique de ces deux dernières années. Ne rien faire, c’est se suicider. De toute façon, dans ce grand débat qui va s’ouvrir, l’Autriche s’empare de la position morale la plus élevée, et prend d’une main vigoureuse la direction de la vie politique de l’Allemagne.

Tandis que l’Autriche montrait dans les affaires d’Allemagne une résolution qui va entraîner vers elle un mouvement considérable d’opinion publique au sein de la confédération, un membre de la famille impériale, l’archiduc Maximilien, était appelé au trône du Mexique par une manifestation mexicaine. Ce qu’on peut dire du vote des notables de Mexico, c’est qu’il n’a point à coup sûr le caractère de la spontanéité et de l’improvisation. L’idée de rétablir la monarchie au Mexique n’est pas nouvelle, et depuis longtemps est colportée en Europe par des Mexicains émigrés. Ce n’est point une pensée subite qui veut faire de l’archiduc Maximilien le fondateur du nouvel empire; la couronne du Mexique a été offerte depuis plusieurs années à d’autres princes par cette petite troupe de Mexicains qui voulaient abolir dans leur pays la forme républicaine, et qui, après n’avoir été longtemps que des utopistes, sont, suivant l’usage, devenus de grands hommes pour avoir communiqué leur foi à la toute-puissante politique de la France, et pour avoir réussi, à l’aide d’une armée française, à renverser le gouvernement républicain. Nous voyons donc aujourd’hui se réaliser à propos de l’archiduc Maximilien les bruits et les prédictions qui avaient eu cours au moment où notre expédition a été lancée. L’avènement de l’archiduc à l’empire du Mexique est-il le résultat d’une transaction politique entre la France et l’Autriche? Nous sommes de l’avis des journaux de Vienne, qui soutiennent le contraire. L’Autriche n’est plus seulement aujourd’hui une maison souveraine; l’Autriche est avant tout un empire constitutionnel. Or l’Autriche et les peuples autrichiens n’ont point d’intérêts politiques en Amérique; ils n’ont aucun avantage politique à retirer de l’établissement d’une branche de leur maison impériale à Mexico. Leurs intérêts leur conseillent au contraire d’éviter, au lieu de les rechercher, les chances de conflits que la substitution de la forme monarchique à la forme républicaine peut faire naître dans l’avenir entre la contre-révolution au Mexique et les républiques anglo-saxonnes ou espagnoles d’Amérique.