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Quelle que fût cependant l’attitude polies et calme du ministre japonais, les rapports des représentans de l’Europe avec lui devinrent de plus en plus difficiles lorsque sa haine contre les étrangers, qui n’avait été en principe que l’effet de son patriotisme, se fut encore accrue de ses griefs particuliers. Après l’assassinat de Den-Kouschki, l’interprète de la légation anglaise, M. Alcock voulut que des funérailles solennelles témoignassent de ses regrets pour la perte de ce fidèle serviteur, et il exigea que Hori assistât au convoi. Den-Kouschki était un Japonais de basse extraction, et l’idée de lui rendre les derniers devoirs blessait au plus vif de son amour-propre le noble Hori[1] ; mais M. Alcock, dans sa juste irritation, ne tint pas compte de ces susceptibilités. La présence du gouverneur de Yokohama devait témoigner de l’horreur que la cour de Yédo ressentait pour le crime dont la légation anglaise avait été le théâtre. Hori fut

  1. Les différentes classes de la société japonaise, sans être aussi rigoureusement séparées les unes des autres que le sont les castes dans l’Inde, ne se rapprochent cependant pas autant que les diverses classes de la société européenne. Si un homme du peuple parle à un noble, c’est à genoux ; il doit le saluer partout où il le rencontre, qu’il le connaisse, ou non. Il est interdit sous des peines sévères aux mendians aux hettas et aux christans d’entrer dans la maison d’un laboureur ou d’un marchand. La société japonaise comprend plusieurs subdivisions ; voici les principales qu’il suffira d’indiquer brièvement :
    Les nobles (samouraïs), — Sous ce nom se rangent : la maison du mikado, — les hauts fonctionnaires de la cour de Kioto, — les dix-huit grands daïmios, gok’chis, ou pairs du Japon, — le taïkoun, — les gosankés, et les, gosankios, membres de la famille du taïkoun, — les trois cent quarante-quatre petits daïmios, vassaux du taïkoun, — les o-bounjos ou hauts fonctionnaires des cours des daïmios et du taïkoun, — les yakounines, fonctionnaires et soldats de la maison des princes ; — les tounines, hommes nobles qui se trouvent sans emploi. — Un o-bounjo est en même temps un yakounine ; mais tous les yakounines ne sont pas des o-bounjos. Un o-bounjo de même qu’un yakounine, en perdant sa place, devient un lonine. Tous les nobles, depuis le mikado jusqu’au lonine, portent deux épées.
    Les lettrés (bo-san).— Dans ce groupe figurent les prêtres, qui ont le droit de porter doux épées, et les médecins. — On trouve parmi les médecins des hommes nobles de naissance et qui conservent alors le droit de porter deux épées. — Les médecins d’extraction bourgeoise ne portent des armes que lorsqu’ils sont en voyage.
    La bourgeoisie. — On range parmi les bourgeois les agriculteurs et fermiers, les artisans, les marchands, les pêcheurs et matelots.
    Ainsi se composent les trois classés qui forment l’ensemble de la société japonaise : les nobles, — les lettrés, — les bourgeois. On en exclut comme des parias les mendians ou kotsedfikis, les hettas et les christans. Il faut dire cependant quel est le sens de ces dénominations.
    Les kolsedjiki (mendians) sont divisés en quatre classes dont chacune reconnaît un chef qui demeure à Yédo. — Les hettas, hommes du peuple qui travaillent le cuir et versent par état le sang des animaux, demeurent en dehors des villes, sont regardés comme impurs et sont gouvernés par un roi, dan-saï-man, qui réside à Yédo et paie un fort tribut au taïkoun. — Les christans, descendans des anciens chrétiens, sont confines dans un quartier de Yédo, à peu près comme les Juifs l’étaient dans les villes du moyen âge.— Les mendians, les hettas et les christans ne peuvent se marier qu’entre eux.>