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laissait les autres en repos ; puis il introduisait de l’eau de chaux dans les deux récipiens et dosait ainsi la quantité d’acide carbonique produite, de façon à connaître la quantité d’oxygène absorbée, Des expériences réitérées lui avaient montré que les muscles contractés absorbaient beaucoup plus d’oxygène que les autres.

La contraction musculaire est donc une oxydation qui dégage, comme toute oxydation, une certaine quantité de chaleur ; mais, si on se contente de considérer ce phénomène en lui-même, il paraît difficile d’en rien tirer qui puisse servir à la théorie qui nous occupe. La contraction musculaire en effet implique des phénomènes de volonté qu’il semble impossible d’isoler, et des particularités intérieures dont l’analyse paraît impraticable. Quand nous ramenons, par exemple, notre avant-bras de manière qu’il fasse un angle droit avec le bras, nous pouvons agir à la fois sur les muscles fléchisseurs et sur les muscles extenseurs, et développer ainsi d’une façon absolue des efforts dont la mesure dynamique et calorifique ne présenterait rien de certain. C’est donc d’une autre manière que M. Béclard a abordé ce problème. Il s’est proposé de comparer, sous le rapport calorifique, une même contraction musculaire dans deux cas différens : celui où elle n’est accompagnée d’aucun travail extérieur et celui où, au contraire, un travail extérieur l’accompagne.

À l’origine de ses recherches, il opéra au moyen d’aiguilles ou hameçons thermo-électriques formés de deux métaux, cuivre et fer, qu’il enfonçait dans les tissus musculaires des animaux et qu’il mettait en communication avec un galvanomètre dont les déviations accusaient les variations de température des muscles. Il se servait particulièrement de grenouilles ; il les fixait sur une tablette, et il déterminait des contractions dans une des pattes de l’animal. Tantôt cette patte se contractait à vide, tantôt elle devait soulever un poids au moyen d’une corde passant sur une poulie. Mais M. Béclard ne tarda pas à reconnaître qu’il ne pouvait rien conclure d’expériences dans lesquelles l’animal, sous l’impression d’une cause excitante, contractait son muscle, sans que la contraction eût un rapport bien déterminé avec l’effort à vaincre. Il se décida, pour avoir des résultats plus sûrement appréciables, à opérer sur l’homme. Il fallait dès lors renoncer à l’emploi des aiguilles ou hameçons thermo-électriques, car ces engins ne pouvaient être introduits dans les tissus charnus sans danger sérieux, surtout si les expériences se répétaient fréquemment. L’emploi de ces appareils présentait aussi d’autres inconvéniens. Le vernis dont on recouvrait les aiguilles pour empêcher qu’elles ne fussent attaquées chimiquement par les sécrétions du corps venait à se fendiller ; des courans dus à des actions chimiques pouvaient dès lors modifier les mouvemens de l’aiguille du galvanomètre