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que M. Amédée Thierry, dans la succession des césars, a su retrouver les races diverses sous l’uniformité du costume romain. La voie est ouverte ; la critique peut s’y engager plus avant. Aujourd’hui que les études orientales renouvellent l’histoire sur tant de points, la période des empereurs syriens profitera sans doute de ces fouilles hardies. Un orientaliste que j’ai consulté à ce sujet m’a fourni des indications qui confirment les vues de M. Thierry, et que je crois bon de reproduire. « Il est évident que Julia Domna, femme de Septime-Sévère, sa sœur Julia Mœsa, ses nièces Julia Mammœa et Julia Sohémie, appartenaient aux premiers rangs de la société arabe en Syrie. Domna, Mœsa, Mammœa, Sohemia, tous ces noms latinisés étaient des noms arabes, comme l’atteste encore le dernier, Sohemia, dont l’origine première, moins défigurée, ne saurait être méconnue. Sohémie est la forme latine de Souhaïma, féminin de Souhaïm, nom porté par plusieurs princes orientaux de la même époque. Lampride et Capitolin l’appellent Semiamira, nouvelle preuve que Sœmias est bien une Arabe et une princesse arabe, car il suffit de décomposer ce mot pour y trouver d’abord son nom (Sœmi, Sohemia), puis le mot amira, féminin d’amir ou émir, qui signifie souverain. Or, s’il est prouvé que Julia Sohemia, mère d’Élagabal, était une princesse d’Arabie, nous savons par cela, même ce qu’étaient sa sœur Julia Mammœa, qui donna le jour à Alexandre-Sévère, et sa tante Julia Domna, dont Septime-Sévère avait obtenu l’alliance. »

Peut-être des inscriptions syriaques nous apprendront-elles un jour quelque chose de ces quatre femmes arabes associées tour à tour au gouvernement de l’empire romain. Les récits des écrivains de l’Histoire auguste ont besoin d’être complétés, c’est-à-dire rectifiés, par des hommes initiés aux choses de l’Orient. Qu’est-ce que ce sénat de femmes dont Julia Sohemia avait conçu l’idée ? Quelle était la créature la moins dégénérée au IIIe siècle, la matrone romaine ou la femme sémitique ? L’orientaliste que j’ai interrogé penche à croire que le harem avait une grande et utile influence à cette époque, que la femme n’y était pas tenue en captivité comme aux siècles suivans, et que, si son pouvoir a disparu, c’est seulement après qu’elle en eut abusé. Tout cela est possible, et il faut se rappeler en effet que la noble figure de Zénobie appartient à la période des empereurs syriens. La femme de Septime-Sévère, Julia Domna, la mère d’Alexandre-Sévère, Julia Mammœa, paraissent avoir été de nobles types de la grandeur asiatique. Malheureusement, tant que l’archéologie orientale n’aura pas porté la lumière en ces questions confuses, il sera difficile de s’y reconnaître. Comment expliquer toutes les choses incohérentes que nous offre cette famille arabe ? Comment comprendre que les plus grands jurisconsultes de