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Le premier volume, le seul qu’il ait donné de ces Origines, ne représente que la moindre partie de ses travaux dans cette branche intéressante ; il se hâta de le publier pour justifier de ses titres à l’Académie des inscriptions et belles-lettres, où il fut nommé aussitôt après, en 1838. Cela fait et ce terme de son ambition atteint, il ne se hâta plus ; il aima mieux amasser, augmenter sans cesse la riche matière des volumes suivans que de se presser de les réunir ; il s’y oublia un peu, et plus tard, quand il songea à lier sa gerbe, il n’en eut ni le temps ni la force ; il était trop las.

Je ne dirai plus qu’un mot de l’accessoire ; j’appelle ainsi ses articles de critique concernant les écrivains du jour, Quinet, Hugo, Ponsard. Ces articles très développés, de la seconde manière de M. Magnin, tout distingués qu’ils sont, laissent cependant quelque chose à désirer pour la netteté et le sens précis des conclusions. Son érudition y donne plus d’une fois le change à sa critique ; muni de notes abondantes sur les origines des mythes d’Ahasvérus ou de Prométhée, il substitue un peu trop complaisamment le point de vue du fureteur curieux et de l’archéologue au jugement littéraire direct. Son goût, mis en demeure de se prononcer, n’a pas de ces promptes réponses qui partent d’elles-mêmes et ne s’éludent pas.

Quant au drame moderne et aux dernières productions de l’école romantique au théâtre, l’interruption de quelques années que M. Magnin avait mise à en suivre le mouvement l’avait évidemment arriéré un peu ; il en est encore à l’admiration quand le public était arrivé à la fatigue. Il ressemblait à un homme qui aurait laissé de côté la lecture d’un livre à une certaine page et qui le rouvrirait assez longtemps après, juste à l’endroit où il avait mis le signet : M. Magnin reprenait sa lecture à un feuillet où le public n’était déjà plus. Sa montre retardait. Il ne sut pas crier holà ! hardiment et faire entendre à propos le signal d’arrêt, comme c’est le propre des Boileau, des Johnson, de tous les fermes et vigoureux critiques. Au lieu de cela, il mollit, il disserta agréablement, mais il ne dit pas le mot décisif qu’on attendait de lui.

Cet embarras perce encore dans son article sur la Lucrèce de M. Ponsard. Il compliqua de trop de considérations et de prenez-y garde le jugement très simple et très net qu’il y avait à donner sur ce succès, qui était à moitié un succès de contraste et d’opposition, et qui avait, à sa date, une signification tranchée. Il n’insista pas sur les vraies causes qui expliquaient et légitimaient suffisamment la réaction : il s’efforça plutôt d’en atténuer le sens, comme s’il eût craint de rompre avec ceux qu’elle contrariait. Il y mêla, envers le nouvel auteur, toute sorte de chicanes rétroactives, étrangères à l’œuvre présente, la seule qui fût en cause. Dans ce genre de critique