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littéraire de son époque ; ces services de journaliste et d’écrivain de revue, si essentiels en eux-mêmes et si méritoires, sont depuis longtemps consommés et épuisés : nous, ses contemporains et ses amis, nous en avons mémoire et conscience, notre devoir est de les rappeler et de les mentionner ; mais nous ne saurions exiger des nouveau-venus de s’en former la même idée et d’en garder la même reconnaissance que nous. D’autres services de lui, d’autres travaux seront plus appréciés des générations instruites qui nous suivent : M. Magnin a défriché, l’un des premiers, avec infiniment de labeur et de patience et avec un notable succès, des portions d’histoire littéraire ingrates et restées encore obscures ; les origines de notre comédie nationale lui doivent beaucoup ; il y a porté une curiosité d’examen, un intérêt et une finesse d’attention, un goût délié, une clarté et une élégance d’exposition qui le désignent à l’estime de quiconque reprendra la suite de ces mêmes études. Il sera consulté, accepté ou contredit, mais certainement nommé, pour ces utiles et agréables recherches, de tout historien littéraire qui tiendra à être complet et à se montrer juste. C’est là son principal titre à une renommée posthume et définitive.

De l’ancien portrait de M. Magnin publié ici même[1], nous ne reprendrons que l’indispensable, nous attachant à simplifier les traits ou à les mieux marquer. Charles Magnin, mort le 8 octobre 1862, à l’âge de soixante-neuf ans, naquit à Paris le 4 novembre 1793, à quelques pas de la bibliothèque de l’Arsenal, où son père avait un emploi, où son grand-père maternel, M. Saugrain, était bibliothécaire. Une de ses tantes Saugrain avait épousé un des frères de Bure, l’un des sa vans libraires que nous avons encore connus. Les Saugrain eux-mêmes étaient une famille d’anciens libraires, venus de Pau avec Henri IV, très honorés dans leur profession, ayant donné des syndics au corps. L’enfant qui venait au monde se trouvait ainsi apparenté aux livres de tous les côtés. Pour peu que Minerve sourît ou n’y mît pas d’obstacle, il naissait presque de toute nécessité avec le goût des livres et déjà lettré.

Le père de M. Magnin était Franc-Comtois, natif de Salins, et lui-même d’une ancienne et honnête famille bourgeoise du pays. Un vieux noël salinois consacre un couplet à certain chanoine Magnin qui devait être un grand-oncle, et en remontant on trouverait toujours dans les registres des couvens ou chapitres de la ville quelque religieux ou chanoine de ce nom de Magnin. Quoique tout à fait Parisien de mœurs, de ton et d’éducation, Charles Magnin considéra toujours Salins comme le lieu de son origine ; il y possédait

  1. Dans la Revue du 15 octobre 1843.