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« 5° Le commerce rétabli, la misère éteinte, une constitution libérale, des charges analogues aux besoins du pays et non comme dans ce moment extorquées uniquement pour entretenir un militaire trop nombreux et destiné à servir les plans ambitieux de Napoléon.

« A tous ces raisonnemens n’a-t-on pas le droit d’ajouter encore que, les succès de la France étant attachés uniquement à la personne de Napoléon, s’il venait à manquer, l’intérêt que la France prend à la Pologne tombera avec lui, tandis que par contre les guerres avec la Russie résultant de la proclamation de la Pologne par la France seront interminables, et après la mort de Napoléon elles ne feront que reprendre une vigueur nouvelle. Quelle source de maux pour la pauvre humanité, pour la postérité !

« Tel est le tableau tel qu’il se présente à mes yeux. En voici le résumé :

« 1° Tant que je ne puis être sûr de la coopération des Polonais, je suis décidé à ne pas commencer de guerre avec la France.

« 2° Si cette coopération des Polonais avec la Russie doit avoir lieu, il faut que j’en reçoive des assurances et des preuves indubitables. Ce n’est qu’alors que je puis agir de la manière précitée. Et dans ce cas il faut que vous m’envoyiez tous les papiers nécessaires à ce but, comme proclamations, constitution, et tous les autres actes indispensables. Ils ne peuvent être faits que dans le duché de Varsovie, devant renfermer quantité de détails inconnus ici.

« Il ne me reste plus à vous parler que des craintes que vous élevez que Caulaincourt n’ait percé le mystère dont il s’agit. L’avoir pénétré est impossible, car même le chancelier ignore entièrement notre correspondance. La question a été plus d’une fois débattue avec ce dernier, mais je n’ai pas voulu que personne sache que je m’occupe déjà de ces mesures. Quant aux apprêts militaires, je leur ai donné un caractère défensif et nullement caché. C’est la France elle-même qui m’en a donné tous les motifs par le renforcement successif de son armée du nord. J’en ai parlé ouvertement à Caulaincourt, et Tschernitschef a porté une lettre à Paris dans laquelle j’en parle même à l’empereur, soutenant toujours que ce que je vois faire m’oblige à prendre des mesures de précaution, mais que j’étais bien décidé à rester dans mon système et certainement à ne pas être l’agresseur. Mais voici ce dont je suis obligé de convenir : l’opinion qu’il faudrait que je prenne le titre de roi de Pologne devient plus générale dans le public de Pétersbourg. Si d’un côté cela donne la certitude que cette mesure sera reçue avec applaudissement, d’une autre part, pour le moment actuel, ces conversations sont plutôt nuisibles qu’utiles, et je tâche, autant que possible, de les faire tomber en soutenant que la chose est impossible, et ne peut avoir lieu…

« J’attendrai avec la plus grande impatience votre réponse. Tout à vous de cœur et d’âme pour la vie. »


Jusque-là cependant rien ne semblait changé encore ; il y avait seulement en Europe une attente inquiète et un pressentiment de conflit. La guerre était dans l’air et dans les délibérations intimes avant d’être dans les manifestes des gouvernemens, et les symptômes