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que depuis quelques années seulement dans les cadres de la zoologie : Hannon en avait pourtant déjà parlé dans son Périple ; mais, après lui, il faut aller jusqu’au XVIe siècle pour trouver une mention nouvelle de cet étrange animal dans les récits d’un soldat anglais nommé Battel. Au commencement du siècle actuel, un capitaine anglais, Bowditch, raconta les confidences qu’il reçut au sujet des gorilles, et jusqu’à 1847 on en fut réduit à ces récits suspects. À cette époque, le docteur Wilson, missionnaire américain, fournit à M. Thomas Savage et à M. Jeffries Wyman, professeur d’anatomie comparée à l’université de Cambridge, aux États-Unis, les élémens d’un travail scientifique, relatif à l’ostéologie du grand singe du Gabon. M. Savage lui donna le nom de gorille, emprunté au récit d’Hannon, en décrivit les caractères, et M. Wyman fit connaître la tête osseuse du mâle et de la femelle, en s’attachant à faire ressortir les différences qui séparent le gorille du chimpanzé. Ces belles études furent bientôt complétées par plusieurs mémoires de M. Richard Owen, qui chercha à établir la hiérarchie et les relations mutuelles des grands singes anthropoïdes. Jusque-là, l’histoire anatomique du gorille était réduite à son ostéologie ; elle fut complétée en 1836 par une belle monographie de M. Duvernoy, alors professeur au Muséum d’histoire naturelle, et on peut s’étonner à bon droit que ce remarquable travail ne soit même pas mentionné dans l’ouvrage récent de M. Huxley. Suivant M, Duvernoy, les grands singes anthropoïdes se distingueraient de l’homme par des caractères physiques très essentiels. En premier lieu, la colonne vertébrale ne forme chez ces animaux qu’un seul ressort, au lieu d’être infléchie en sens divers, sous forme d’S, comme chez l’homme. M. Duvernoy concluait de là que ces grands singes, essentiellement arboricoles, bien que capables de se tenir debout, étaient cependant conformés pour marcher ordinairement à quatre pattes. En second lieu, la forme des extrémités indique que ces animaux ne sont pas faits pour vivre habituellement sur le sol, mais sur les branches des arbres. Enfin leur cerveau est beaucoup moins développé que celui de l’homme. La capacité d’un crâne humain adulte est en moyenne trois fois plus grande que celle du gorille, du chimpanzé ou de l’orang. Cette capacité varie d’ailleurs chez l’homme jusqu’au dernier terme de la croissance : depuis l’enfance jusqu’à la fin de l’adolescence, elle s’élève de 115 à 170 centilitres. Chez les singes supérieurs au contraire, cette augmentation est très faible, ou nulle, ou, chose plus étrange, est remplacée quelquefois par une diminution. Ce rétrécissement du cerveau explique, suivant Cuvier, comment la brutalité succède chez les orangs à la douceur et à l’intelligence du jeune âge.

Quel est parmi les singes anthropoïdes et sans queue celui qui se