Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 45.djvu/167

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

presque vides, couvertes de bruyères, entrecoupées çà et là de cépées de chênes rabougris ou de bouleaux isolés que des exploitations successives de taillis ont amenées à cet état. On serait tenté tout d’abord, en voyant ce sable ridé par le vent, de croire que le sol est incapable d’entretenir une végétation plus active, et l’on s’étonne même qu’il ait pu produire les maigres végétaux qui le couvrent ; mais, en y regardant de plus près et en le comparant à celui de la futaie voisine, on s’aperçoit bientôt que, minéralogiquement parlant, il n’y a pas de différence entre eux, et les analyses qui ont été faites ont donné en effet, dans la futaie comme dans le taillis, une proportion de 98 pour 100 de sable contre 2 pour 100 d’argile. On peut donc conclure de là que la vigueur de l’une et le mauvais état de l’autre ne doivent être attribués qu’à la différence des traitemens, et non à une autre cause. Cette conclusion d’ailleurs est confirmée par des descriptions de la forêt que contiennent d’anciens rapports, et qui constatent que des parties aujourd’hui absolument désertes étaient autrefois couvertes de magnifiques futaies.

S’il fallait d’autres motifs encore pour faire adopter ce traitement, on en trouverait dans la destination même de cette forêt. Le gibier, s’attaquant surtout aux jeunes bois, fait d’autant plus de mal que ceux-ci sont plus étendus ; si par exemple les dégâts se font sentir jusqu’à l’âge de dix ans dans une forêt exploitée à la révolution de trente ans, ils porteront sur le tiers de la contenance, tandis qu’ils ne porteront que sur le quinzième, si la révolution est de cent cinquante ans. Enfin, au point de vue pittoresque, la futaie, avec ses grands arbres qui se balancent au vent, a une bien autre majesté que les taillis, dont la hauteur ne dépasse pas 10 mètres, à peine de quoi ombrager les routes, Dans une forêt si fréquemment visitée, cette considération a une telle importance que, pour ne pas la dépouiller de sa plus grande beauté, on a dû, sur la demande même des habitans, s’abstenir de faire aucune coupe dans quelques-uns des cantons couverts de vieux massifs, afin de les conserver comme un but habituel de promenades.

On a vu plus haut comment, malgré tant de raisons péremptoires, on avait été conduit à en exploiter en taillis la plus grande partie. Aujourd’hui que les fâcheux effets de ce régime ont été constatés, on en revient à une application plus saine des règles de la sylviculture, car les opérations qu’on y fait ont pour objet de la ramener tout entière, ou à peu près, à l’état de futaie pleine. Pour opérer cette transformation, il a fallu en effectuer l’aménagement, c’est-à-dire fixer à l’avance la nature et l’importance des coupes à asseoir pendant toute la période transitoire, de telle manière qu’à l’expiration