Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 45.djvu/153

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

donc de Paris que dépend le plus ou moins d’activité des carrières de Fontainebleau, de même que le nombre des ouvriers qui y travaillent. Quand le macadamisage a pendant quelque temps ralenti la demande, la plupart de ceux-ci ont abandonné leurs chantiers et se sont faits terrassiers ; plus tard ils ont repris leur ancien métier, et aujourd’hui on n’en évalue pas le nombre à moins de 400. Ce chiffre toutefois est très variable, car beaucoup d’entre eux, maçons par état, ne se font carriers qu’accidentellement, quand la mauvaise saison les empêche de se livrer à leurs occupations habituelles.

Le bénéfice que fait un maître carrier peut être évalué à 7 fr. par jour. C’est un beau denier, qui serait plus élevé encore, si toutes les pierres étaient de bonne qualité ; mais il arrive souvent qu’après avoir ouvert une carrière et fait des avarices considérables, il faut pourtant l’abandonner, parce que la roche est trop dure ou peu homogène. Quant aux ouvriers, leur salaire se monte à ou 5 francs par jour. Malheureusement il y a une morte-saison, et dès que le thermomètre est tombé au-dessous de zéro, il faut abandonner le travail, car la pierre ne se fend plus régulièrement. Malgré ce chômage, dont la durée moyenne est d’environ deux mois par année, et qui produit une réduction d’un sixième sur le chiffré indiqué plus haut, on voit que les journées des carriers atteignent encore un taux exceptionnel, puisque celles des terrassiers ne s’élèvent pas à plus de 2 francs 75 centimes. La raison de cette différence est dans l’insalubrité du métier qu’exercent les premiers ; ils se font payer-les chances qu’ils ont d’être emportés par ce qu’ils appellent eux-mêmes la maladie des carriers. Cette maladie, qui leur permet rarement d’atteindre l’âge de quarante ans, n’est autre chose qu’une phthisie pulmonaire provoquée non-seulement par la poussière qu’ils respirent, mais encore par les fatigues auxquelles ils sont exposés et les efforts musculaires qu’ils sont obligés de faire. Quittant en été leur domicile à quatre heures du matin, ils n’y rentrent le soir qu’à huit heures, après s’être reposés seulement pendant les deux heures les plus chaudes du jour. À les voir en plein soleil frapper à coups redoublés de leurs masses de fer, qui ne pèsent pas moins de 20 kilogrammes, les coins qu’ils enfoncent dans la roche réfractaire, s’exposer en sueur à tous les vents perfides qui souillent à travers