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Les travaux télégraphiques que M. Romanof poursuit en Sibérie, avec tant de courage et de persévérance, pour le compte du gouvernement russe, auront un résultat plus certain qu’une jonction problématique avec l’Amérique du Nord : c’est l’établissement de relations promptes et sûres avec la Chine. L’an prochain, nous dit-on, les fils arriveront jusqu’à Kiachta. De cette ville jusqu’à Pékin, il existe plusieurs routes par le désert de Gobi. L’une d’elles, qui est actuellement fréquentée par les Russes pour le transport des dépêches, devrait être préférée pour la construction d’une ligne terrestre. Elle aurait environ une longueur de 1,800 kilomètres, dont les deux tiers se trouvent dans un terrain pierreux et sablonneux, privé de bois, et habité seulement par des Mongols nomades qui se relèvent aux stations de la poste. On trouve en certains points de l’eau en abondance et des pâturages où l’on pourrait établir des stations pour les gardiens. De Pékin à Shang-haï, à travers l’empire chinois, les lignes télégraphiques s’établiront tôt ou tard, mi-parties terrestres et sous-marines. Nous finirons donc par avoir, dans un avenir peut-être assez rapproché, une communication continue de Londres à Shang-haï, ligne de 12,000 à 13,000 kilomètres, dont la moitié est déjà faite.

On ne voit pas sans regret qu’une communication télégraphique qu’il serait si pénible d’établir fût non-seulement exposée aux ravages des élémens, mais aussi abandonnée à la merci des hommes. Les premières paroles échangées entre les deux continens par le câble transatlantique de 1858 réclamaient la neutralisation des lignes télégraphiques. Le président Buchanan demandait que les fils conducteurs de l’électricité fussent respectés et que les transmissions fussent libres, même au milieu des hostilités. Certes les lois de la guerre seraient plus dures que jamais si elles autorisaient la destruction d’un câble et l’interruption de communications lointaines. Cependant la télégraphie électrique n’étant pas seulement utile aux relations commerciales et pacifiques, nous ne pouvons espérer que cette neutralisation sera consacrée par le droit des gens. La guerre fait de l’électricité son profit et par conséquent sa proie. « L’homme, disait à ce sujet un publiciste anglais, l’homme qui tient une corde, quelle qu’elle soit, s’en sert pour toutes ses affaires, surtout s’il est Anglais ou Américain. »


III

Nous venons de parcourir le globe à grands pas, en traçant du doigt sur une carte les étapes successives de la télégraphie. Peut-être sommes-nous tombés dans le défaut commun à tous les auteurs