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Le dernier projet qu’il reste à discuter vient encore d’Angleterre, et assurerait aussi bien que le précédent une communication entre la Grande-Bretagne et les États-Unis indépendante des autres états du continent. Imbu de cette idée que l’excès de longueur des câbles est un obstacle insurmontable pour une exploitation commerciale à cause de la lenteur des transmissions, M. Shaffner a proposé de passer au nord de l’Atlantique, vers le 60° degré de latitude, où la Providence semble avoir semé des îles, l’Islande, le Groenland, comme gîtes d’étape de la véritable route télégraphique. La ligne qu’il projette part de l’extrémité septentrionale de l’Ecosse, touche aux îles Feroë, atterrit sur la côte orientale de l’Islande, traverse cette île de l’est à l’ouest, se continue en câble sous-marin jusqu’à la côte occidentale du Groenland, et se termine par un autre câble sous-marin qui aboutit au Labrador. Ce tracé, rendu curviligne en apparence par la déformation de nos cartes, est en réalité plus court que le trajet direct d’Irlande à Terre-Neuve ; il raccourcit de 500 kilomètres la distance de Londres à New-York. La profondeur de la mer diminue de plus en plus à mesure que l’on s’avance vers le nord. Les distances entre les points d’atterrissement ne sont pas très considérables. Malgré tous ces avantages, on s’effraie à l’idée d’aborder les contrées désolées et stériles qui bornent au nord l’Océan-Atlantique. Il semble impossible de traverser une mer de glace comme le détroit de Davis, de s’arrêter sur une terre volcanique comme l’Islande, ou sur un continent inconnu comme le Groenland.

La ligne télégraphique de l’Atlantique nord a été l’objet d’explorations consciencieuses pendant l’été de 1860. Le Bull-Dog, bâtiment à vapeur de la marine royale, fut chargé par le gouvernement anglais d’étudier le sol de la mer sur le trajet en question, en même temps que les chefs de l’entreprise envoyaient eux-mêmes un autre navire pour étudier les points d’atterrissement et les parcours terrestres. Les détails qui suivent sur les difficultés géographiques du tracé sont extraits des rapports publiés à la suite de ces expéditions.

Entre l’Ecosse et les Feroë, la distance est de 400 kilomètres et la profondeur maxima est de 460 mètres. Entre les Feroë et Beru-Fiord, sur la côte orientale de l’Islande, la distance est de 450 kilomètres et la profondeur de 1,200 mètres. Les glaces flottantes apparaissent rarement au sud-est de l’Islande, et la surface de l’eau gèle à peine pendant l’hiver. La côte est souvent couverte de brouillards pendant la saison d’été ; mais l’immersion du câble exige un temps si court que l’on trouvera les quelques, beaux jours nécessaires à cette opération. Entre l’Ecosse et l’Islande, la pose des câbles est donc facile : faible distance, faible profondeur ; le fond