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moyens de défense en les mettant aussi bien à l’abri d’une attaque de l’extérieur que d’une trahison de l’intérieur.

Ce n’est donc pas la rébellion seulement qui crée aujourd’hui aux Anglo-Français les embarras les plus pressans ; le danger vient encore de la mauvaise foi du gouvernement impérial, représenté par le foutaï de Shang-haï. Ce fonctionnaire, malgré la parole donnée, en ne sortant pas de ses camps, placés sous les murs de Shanghaï, qu’il ne pouvait pas même défendre, n’a pas seulement compromis le résultat de la campagne ; il a exposé notre petite armée à des catastrophes de détail terribles dans un pays où il faut toujours vaincre pour ne pas périr étouffé sous le nombre de ses ennemis. Il est à peine croyable qu’une poignée d’hommes, trahis par ceux-là mêmes qu’ils secouraient, aient osé se lancer en flèche sur un territoire inconnu, inextricable, offrant pour la guerre de si grandes facilités à des gens presque aguerris, impossibles à poursuivre, et reparaissant au point d’où on venait de les chasser par masses pour ainsi dire inépuisables. Les amiraux avaient sagement agi en voulant opposer aux rebelles une armée de Tartares venus de l’intérieur de l’empire, auxquels ils auraient seulement déblayé la route. Dans cette lutte, où il s’agit d’écraser un ennemi qui compte des millions de combattans, les troupes d’élite préparent bien la victoire ; mais une armée moins aguerrie, en faisant l’office de cavalerie, peut seule la rendre complète. La résistance opposée par les mandarins à ce plan des amiraux est venue enlever à notre intervention une partie de son efficacité. Faire campagne devenait désormais inutile et même dangereux[1].

Il semble donc au premier abord que si notre influence morale a grandi de tout l’éclat de nos victoires et des services rendus à une population aux abois, les bénéfices matériels nous ont été complètement enlevés par l’abandon des places fortes retombées au pouvoir des rebelles, après avoir été prises par les alliés. La vérité cependant, c’est qu’à la suite des événemens militaires de 1861 et 1862 il se forme pour les alliés en Chine une situation nouvelle, et loin d’être affaiblis par l’attitude du gouvernement impérial, qui les privait de troupes dont ils ne pouvaient se passer, ils sont au moment de trouver les plus précieuses ressources dans ce peuple même qui vit et souffre autour d’eux.

  1. Aucune campagne sérieuse n’a été entreprise dans l’hiver de 1801 par les alliés contre les rebelles pour leur faire respecter les limites autrefois fixées des 40 milles. On s’est borné a les repousser pur des expéditions de détail à quelque distance de Shanghai, lorsqu’ils devenaient trop menaçans. Kia-ding, indispensable à la sécurité de Woo-sung, a été cependant repris cet hiver, et les environs de Ning-po ont été dégagés par les troupes chinoises que commandaient Ward, tué dans l’action, et deux officiers de la marine française.