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canonnières descendraient le Whampoa, à mesure que les alliés’ s’avanceraient, pour appuyer leur gauche, faciliter les envois de vivres et de munitions, et empêcher toute fuite de l’ennemi par eau. On était sûr ainsi d’acculer la rébellion sur la pointe extrême du Pou-tong, en face de Woo-sung, et de lui causer le plus grand désastre qu’elle eût encore essuyé.

Les convois alliés descendirent la rivière pendant quelques milles et entrèrent dans l’arroyo d’Izia, qui mène à Na-djo. Le 16 au soir, les têtes de colonnes s’arrêtaient à 1,200 mètres de la ville, qui fut reconnue immédiatement. Na-djo avait été autrefois un grand village ouvert. Les rebelles en avaient détruit une partie et fortifié l’autre avec les décombres. Les approches étaient défendues par un inextricable fouillis de fossés, d’abatis, de sauts-de-loups, de redoutes, qui dissimulaient complètement le corps de la place, garnie de plus de 10,000 défenseurs. Jamais les Européens n’avaient vu-Autant de travaux accumulés, ni une si profonde entente chez l’ennemi des moyens de défense. Les reconnaissances de nuit et de’ jour se firent avec une incroyable difficulté à cause des sorties vigoureuses des rebelles, parfaitement menées. On sentait qu’une main ferme dirigeait ces bandes, ordinairement si indisciplinées. Cette ville presque enfouie, que l’on distinguait à peine, inspirait un vague sentiment d’inquiétude. Et cependant la campagne était magnifique, et les troupes, bivouaquées dans de grandes fermes, trouvaient en abondance le gîte, le bois, la paille et les légumes, si chers aux soldats.

Dès le lendemain de l’investissement, les canons-obusiers de 30, qui avaient déjà rendu tant de services, furent encore une fois tirés de leurs sampans, d’où ils ne pouvaient faire feu à cause de la hauteur des berges du canal où le convoi était engagé. Ils furent hissés sur une butte de 40 mètres de haut, et à 350 mètres de la ville, que l’on attaquait par la face ouest. Les armstrong furent placés plus à droite, où ils avaient, un certain nombre de pièces à faire taire. L’artillerie légère, ayant derrière elle les colonnes d’assaut, fut mise en batterie au pied même des gros canons, prête à s’avancer lorsque les brèches seraient rendues praticables par les pièces de siège.

À quatre heures du soir, le feu s’ouvrit sans que l’ennemi y ripostât. La ville semblait déserte, silencieuse comme une tombe. On ; entendait seulement le fracas des maisons qui s’écroulaient, et çà et là des lueurs d’incendie montraient que les obus commençaient leur œuvre de destruction. Le signal de l’assaut fut donné, et alors seulement les rebelles, sortant de leur immobilité, saluèrent par une mousqueterie des mieux nourries les têtes de colonnes. Le danger n’était rien cependant pour des hommes électrisés par la présence de leurs chefs ; une lutte de vitesse et de courage s’établit entre les