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campagne on serait aux prises avec des difficultés sérieuses. La ville de Kia-ding, au nord de Shang-haï, que les amiraux voulaient d’abord assiéger et prendre, pour dégager tout à fait Woo-sung, avait 12 milles de tour, des fossés de 40 mètres de large, des murailles en terre revêtues de briques en parfait état, de 8 mètres d’épaisseur et de hauteur. La situation de cette ville, à sept lieues de Shang-haï, sur un canal, facilitait, il est vrai, le transport des approvisionnemens ; mais à mi-chemin le village de Ne-zian, qu’il fallait traverser, était complètement en ruine, occupé par les rebelles, et une partie des maisons de Kia-ding, en s’écroulant, avaient presque comblé le canal. On était d’ailleurs dans les petites marées, et l’échouage d’un convoi de jonques transportant le matériel de siège, des munitions et des vivres pour dix jours, était fort à craindre.

Il fut décidé que cette nouvelle expédition serait en quelque sorte mixte. Les troupes, portant deux jours de vivres, prendraient la route de terre ; tout le reste, bien convoyé par des détachemens et des canots armés en guerre, ferait la route par les arroyos dans de petits sampans. Les alliés firent immédiatement la chasse aux bateaux dans la rivière de Shang-haï : les demander aux autorités chinoises, qui disent toujours oui, mais ne font jamais rien, était parfaitement illusoire. Les Français, les Anglais et les hommes du colonel Ward se rencontraient souvent sur le pont d’une barque, parlant tous à la fois, chacun dans sa langue ; mais la discussion se terminait invariablement de la même façon : le sampan était toujours remorqué par le plus fort, et, grâce aux énormes ressources qu’offre le batelage de Shang-haï, chaque nation put réunir et installer près de ses canons une véritable flottille de jonques.

Le 27 avril 1862, l’avant-garde quittait Shang-haï par terre. Le 28 au matin, l’immense convoi, parfaitement étiqueté, numéroté et divisé en spécialités, appareillait à bord de la Renommée et de l’Impérieuse avec la fin du courant descendant, et se présentait à la marée montante à l’entrée de l’arroyo de Sou-cheou, qui mène à Ne-zian. Les Français avaient en ligne un effectif de 1,000 hommes avec dix pièces d’artillerie, dont deux canons-obusiers de 30, installés par l’amiral Protet dans de petits sampans, d’où ils pouvaient tirer au besoin : c’étaient nos pièces de siège. Les Anglais avaient 2,400 hommes et dix-huit canons, dont quatre Armstrong et quatre mortiers. Ward, avec son régiment, devait rejoindre les alliés à Kia-ding même et tenir la plaine avec les troupes et les jonques que le foutaï devait mettre à sa disposition et sous son commandement.

Dès le 27 avril, les avant-gardes anglo-françaises avaient occupé sans combat les deux rives du canal dans le village de Ne-zian. Une reconnaissance avait eu lieu le soir même sur la route de Kia-ding : à 1,000 mètres environ de Ne-zian, une pagode fortifiée barrait le