Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 44.djvu/853

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Vaud et de Fribourg et qu’on y transforme en cigares, et quelques plantes oléagineuses dont le produit est tout à fait insuffisant pour les besoins du pays. La vigne est de plus d’importance, surtout dans les cantons de Vaud, de Zurich, de Saint-Gall, d’Argovie et de Schaffhouse[1]. Les vignobles occupent environ 27,700 hectares ; c’est la cent quarante-sixième partie du territoire. On estime la production moyenne du vin à 200,000 hectolitres, soit 44 hectolitres à l’hectare. Heureusement, jusqu’à ce jour, l’oïdium a épargné les vignobles, excepté dans le Tessin, où la vigne, suspendue aux arbres et conduite en berceaux comme en Lombardie, a souffert des atteintes du fléau. La vigne est partout cultivée avec soin, car le Suisse, comme le remarque Jean-Jacques, aime à égayer ses fêtes par de larges rasades du cru national. La culture des vignobles est surtout admirablement entendue dans le pays de Vaud. La main-d’œuvre n’est pas épargnée ni l’engrais non plus, et pour en obtenir on paie des prix exorbitans. Le produit aussi est énorme ; on parle dans le pays de 5 à 6,000 francs par an à l’hectare. L’étranger attiré à Vevay ou à Montreux, sur les bords du Léman, par le doux climat et le charme incomparable de ces beaux rivages, ne peut se lasser d’admirer dans les vignobles, s’élevant en terrasses superposées depuis le lac jusqu’à la région des noyers, les ceps vigoureux qui, sous le vert luxuriant des pampres, étalent la pourpre et l’or de leurs baies appétissantes et splendides. Beaucoup de ces admirables grappes se vendent aux malades que les médecins d’Allemagne envoient ici faire la cure aux raisins.

Les autres fruits constituent encore pour la Suisse un produit qui n’est pas à dédaigner. Les arbres fruitiers qui ombragent les vergers et qui entourent les demeures rurales égaient presque partout le paysage champêtre. Ils s’élèvent en général jusqu’à l’altitude de 2,800 pieds, et dans l’Engadine jusqu’à 3,600 pieds. Les cerisiers même montent encore plus haut. On croit généralement que les arbres fruitiers ne nuisent pas à la croissance de l’herbe : aussi toutes les prairies qu’on peut clore et surveiller sont-elles plantées de poiriers et de pommiers. Le statisticien Franscini porte la récolte des fruits à 3 millions d’hectolitres. Une partie sert à faire du cidre, du most, qu’on consomme beaucoup dans les cantons où l’on ne fait

  1. Quelques crus sont renommés en Suisse, par exemple le cortaillod et le favergne, ensuite le neufchatel, que Frédéric II avait introduit à la table de la cour de Prusse, l’yvorne et le lacôte des Lords du lac de Genève, l’oberlander et le malanser de la vallée du Rhin au-dessous de Coire, dont les premiers ceps ont été plantés par le fameux duc de Rohan, l’habile stratégiste de la Valteline, le bailloz et le malvoisie des environs de Sion, qui, entre deux chaînes de montagnes couvertes de glaciers, empruntent un feu extraordinaire à un climat si chaud, que le figuier, l’olivier et le laurier-rose croissent à l’état sauvage.