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Berne, les Grisons, Thurgovie, Argovie, Schaffhouse, Fribourg, le Valais, Neuchâtel, Vaud, Saint-Gall, Soleure, ont sérieusement mis la main à l’œuvre. Le Tessin[1] lui-même, où les bois étaient ravagés avec autant d’imprévoyance qu’en Lombardie, le Tessin s’est ému dans ces dernières années. Désormais les défrichemens et les coupes sombres ne sont plus permis qu’après enquête et autorisation de qui de droit. Dans plusieurs cantons, des pépinières ont été établies aux frais du trésor public, des semences et de jeunes plants sont livrés à bas prix aux communes et aux particuliers. Des inspecteurs et des gardes forestiers cantonaux ont été nommés, et pour les former à l’exercice de leur profession, on a ouvert des cours à la fois théoriques et pratiques. Argovie a même fondé une école fréquentée déjà par deux cent cinquante élèves. Chaque année, les autorités cantonales publient un rapport constatant l’état des forêts et les améliorations réalisées ; mais dans ces rapports une observation qui revient fréquemment, c’est que le système électif appliqué aux fonctions d’inspecteurs empêche ces utiles fonctionnaires de rendre tous les services que peuvent attendre d’eux les pays où ils vieillissent dans un emploi qui demande avant tout une longue expérience et une parfaite connaissance des conditions particulières à chaque localité. Quoi qu’il en soit, l’opinion est saisie de la question, et il faut espérer qu’à l’avenir la Suisse saura conserver avec un soin jaloux sa belle couronne de verdure, le plus magnifique ornement de ses montagnes, la plus sûre protection de ses vallées et l’une de ses plus précieuses richesses. Ici, bien plus encore qu’à propos des laves du Vésuve, on peut dire : Posteri, posteri, res vestra agitur.

La Suisse est, après la Norvège, le pays où l’agriculture proprement dite occupe relativement le moins de place, même en y comprenant les terres plantées de vignes. Elle ne s’étend que sur les 15 centièmes de la superficie totale, c’est-à-dire sur 581,400 hectares seulement. Les prairies permanentes de la région inférieure s’étendent sur 636,480 hectares, embrassant ainsi à elles seules, sans compter les alpages, une plus grande surface que les terres labourées. Celles-ci manquent presque complètement dans la moitié des cantons ; elles n’y sont représentées que par de petits champs d’orge et de seigle resserrés au fond de quelque étroite vallée ou suspendus sur quelque terrassé au flanc des montagnes. On ne trouve la culture conduite sur une plus large échelle que dans les

  1. Les terribles accidens causés cet hiver (1862-1863) par les avalanches dans les vallées Bedretto et Formazza, où les neiges ont écrasé des groupes entiers de maisons, montrent assez qu’il est plus que temps d’arrêter le déboisement, déjà porté trop loin en plus d’un canton.