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la basilique de Saint-Pierre, comme à celle des autres églises transformées en asiles, il fallait déclarer sa religion aux gardiens sous peine d’exclusion ; beaucoup de païens firent alors des professions de foi, ou simulèrent par leur attitude une croyance qu’ils se hâtèrent de renier quand le péril fut passé.

Il s’établit ainsi un courant qui, pendant plusieurs heures, entraîna la foule vers le pont Milvius et vers les collines du Vatican : la basilique de Saint-Pierre et ses dépendances en furent bientôt encombrées. Construite moitié sur l’emplacement d’un ancien cimetière chrétien et moitié sur les ruines du cirque de Néron, cette basilique passait pour la plus vaste comme aussi pour la plus magnifique de toutes celles que, depuis Constantin, avait vue s’élever la ville éternelle. L’édifice, présentait dans son architecture le dessin d’une croix latine, se divisait intérieurement en cinq nefs séparées les unes des autres par des rangées de hautes colonnes en porphyre et en marbre blanc, au nombre de plus de cent. La Confession de Saint-Pierre, chapelle souterraine où reposait le corps de l’apôtre, était placée au-dessous de l’autel et communiquait avec le pavé de la basilique par un escalier et un soupirail grillé dont un gardien particulier tenait les clés. En avant de l’église se développait un atrium rectangulaire flanqué sur ses quatre faces de portiques couverts et décoré sur sa muraille de mosaïques ou de peintures. Aux parois extérieures de l’atrium et de la basilique s’adossaient des oratoires sous l’invocation de divers saints ou saintes, et un grand baptistère d’où jaillissait une fontaine recueillie plus loin dans un bassin de marbré, ombragé de quelques oliviers. Le tout était renfermé dans un vaste enclos où l’on pénétrait par trois portes de bronze, vis-à-vis de l’entrée principale de la basilique. Tel était le premier refuge où courut s’abriter une partie de la population chrétienne de Rome. Un second courant, presque égal à l’autre par son intensité, se dirigeait vers le pont d’Adrien et la basilique de Saint-Paul, qui se trouva bientôt remplie comme la première. Cette grande église, moins spacieuse pourtant que celle de Saint-Pierre, mais aussi riche peut-être, avait été bâtie par Constantin en-deçà du Tibre, dans les terrains bas que traversait la route d’Ostie. Ces deux citadelles du Christianisme occupaient ainsi à courte distance les deux rives du fleuve, qui conduisait de l’une à l’autre et les unissait en les séparant. Elles offrirent alors par leur quiétude l’image de deux îles paisibles au milieu d’une mer en courroux. Là, nous dit un auteur du temps, s’arrêtait l’effort d’un ennemi altéré de vengeance ; là venaient s’éteindre et les fureurs de la lubricité et la soif du sang. Quelques tombeaux de martyrs fournirent encore çà et là de pareilles sauvegardes à la population romaine ; mais