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point de son parti politique. Par un autre calcul qui dénotait chez lui plus de vues mondaines que de besoin d’une foi éclairée, il voulut être baptisé et probablement aussi-converti par l’évêque des Goths Sige-sar, que les Romains nommaient Sigesarius, le personnage ecclésiastique le plus éminent de sa nation. Le chef de cette église fourrée, comme on l’appelait, qui suivait l’armée d’Alaric en camp volant, eut le mérite insigne de convaincre un sénateur romain, mieux que cela, un sophiste grec dont l’esprit, nourri d’arguties, avait résisté à tous les enseignemens de Chrysostome et d’Augustin. Ce fut une grande gloire pour les docteurs barbares et surtout une préparation utile pour le néophyte, dont l’ambition déjà peut-être interrogeait l’avenir. La résolution d’Alaric trouva donc Attale disposer à tout, assez chrétien pour plaire aux Goths et pas assez pour offusquer les polythéistes. Croyant lui-même rencontrer un instrument docile à tous ses projets dans ce misérable Romain qui faisait si bon marché des convictions religieuses, il recommanda sa candidature au sénat comme celle qui concilierait toutes choses. Attale réunissait d’ailleurs, par l’éclat de sa race, par son opulence, par son mérite personnel, par son crédit, qui n’était pas moindre auprès du peuple qu’auprès des grands, toutes les conditions qui pouvaient le rendre acceptable comme empereur : son nom sortit donc des suffrages du sénat, et les comices du peuple y consultés sans doute à leur tour, confirmèrent le choix sans opposition.

Pendant ce temps, des délégués d’Alaric s’étaient tenus aux portes de la ville, attendant le résultat de l’élection. Ils furent alors introduits, et vinrent déclarer, au nom de leur maître, qu’ils reconnaissaient Priscus Flavius Attalus pour empereur du peuple romain ; Attale parut, et sous leurs yeux on couvrit ses épaules du manteau de pourpre et on attacha un diadème de perles autour de sa tête. Dans cet appareil, il prit place sur la chaise curule ornée d’or et de pierreries qui servait de trône aux augustes lorsqu’ils étaient à Rome, et procéda sans perte de temps à l’organisation de son gouvernement. Il fit d’abord la part des Goths ainsi qu’il convenait à leur candidat. Alaric fut nommé maître de l’une et l’autre milice, comme autrefois Stilicon ; son beau-frère, Ataülf eut la charge de comte des domestiques, qui mettait sous sa main l’élite des troupes romaines et la garde du prince. Vint ensuite le tour des partis romains, à qui Attale donna des représentans dans son conseil ; Jean eut la maîtrise des offices, Lampadius la préfecture du prétoire, Marcianus celle de la ville, et Tertullus fut désigné consul pour l’année suivante : tous ces hommes étaient païens déclarés ou chrétiens très douteux. Lampadius appartenait à cette dernière classe. Catholique entiché des plus folles superstitions, vivant avec des devins et des astrologues