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d’intervention européenne. De prétendus habiles à Pétersbourg peuvent bien compter sur les lenteurs du travail de la diplomatie, sur les intérêts qui divisent les cabinets, sur les défiances réciproques qui peuvent éloigner les unes des autres les grandes puissances de l’Europe. Ce calcul est très périlleux. Il est des états qui nourrissent envers la Russie des dispositions hostiles : la Suède, tout le monde le sait, n’attend qu’un signal ; l’Autriche est bien connue pour sa circonspection. Cependant l’Autriche a montré envers l’insurrection polonaise des tendances bien contraires à celles du gouvernement prussien ; elle ne livre pas, elle, les réfugiés ; l’insurrection a trouvé dans la Galicie, sans que la cour de Vienne y fît obstacle, une véritable base d’opérations ; si la Russie était plus forte, elle aurait déjà trouvé plus d’une fois dans la conduite de l’Autriche l’occasion d’un casus belli Si certaines garanties lui étaient données par la France, il est vraisemblable que l’Autriche irait plus loin, et, pour reconstituer une Pologne, pour mettre entre la Russie et elle le tampon d’un état dévoué à la civilisation occidentale, ne refuserait point son concours militaire. L’Angleterre, par l’organe de lord Palmerston, limite avec affectation ses sympathies pour la Pologne à l’emploi des moyens pacifiques ; mais si elle était certaine que la France ne dût pas chercher aux dépens de la Prusse une compensation territoriale aux remaniemens que pourrait entraîner le rétablissement de la Pologne, est-on bien sûr que le gouvernement anglais se montrerait si modéré ? Plus on y réfléchit, plus il semble que le point délicat de la question diplomatique soit l’idée répandue à tort ou à raison en Europe d’une alliance intime entre la cour des Tuileries et la cour de Pétersbourg. S’il était vrai que cette alliance intime eût existé, la Russie devrait comprendre combien il serait difficile qu’elle survécût à un nouvel égorgement de la Pologne. Ces alliances intimes peuvent présenter des avantages, mais elles sont exposées aussi à créer des solidarités dangereuses. Nous nous applaudirions, quant à nous, des effets d’une alliance pareille entre Paris et Pétersbourg, si la Russie, en sentant le prix, reconnaissait que, pour la conserver, elle est tenue de faire justice à la Pologne ; mais si cette alliance ne devait pas être utile à la cause polonaise, elle ne résisterait pas, qu’on ne l’oublie point à Pétersbourg, à l’impopularité qu’elle encourrait devant l’opinion de la France.

Les réceptions académiques présentent souvent un intérêt politique qui les amène naturellement dans notre cadre. Tel n’a pas été le caractère de la séance récente où M. Octave Feuillet a prononcé son discours. La carrière purement littéraire du nouvel académicien, la vie de son prédécesseur M. Scribe, ne pouvaient se rattacher d’aucune façon à ces considérations de politique magistrale qu’on nous expose si souvent à l’Académie. Peu de solennités de ce genre ont été cependant plus intéressantes et ont plus charmé l’auditoire. M. Feuillet, l’homme de la fine comédie et du récit élégant, a pris place parmi les quarante avec une aimable modestie. C’est M. Vitet qui lui a répondu. Le discours de M. Vitet, nous le répétons